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14 novembre 2023 2 14 /11 /novembre /2023 11:13

L'origine et les métamorphoses de la bourrée.

La bourré dérive de l’ancienne coutume des Galls ou Gaulois, de parader en armes, les jours de fête, à l’issue des festins, de se provoquer entre eux à des combats singuliers. Le vainqueur tranchait la tête du vaincu, buvait son sang, qu’il recueillait dans une coupe de bronze, ou dans un crâne humain, et trépignait le cadavre du vaincu, en poussant des cris de joie et de triomphe.

Cette danse guerrière des Galls se modifia sous l’influence de la civilisation romaine et du christianisme, qui interdit ces combats singuliers à l’issue des festins, et la mise à mort du vaincu. Moins sauvage, moins barbare, elle devint un jeu, un divertissement. On continua à la danser dans certaines régions, notamment en Auvergne. Les troubadours, les ménestrels, les jongleurs et les gentilshommes du moyen âge la modifièrent, en firent une danse gracieuse et galante.

La vieille danse des Galls, à l’allure martiale, aux gestes violents, ne disparut pas complètement, on continua à la danser dans les localités les plus agrestes de l’Auvergne, elle resta la danse préférée des montagnards, et fut appelée « la montagnarde ». Cette danse est encore en usage en Auvergne, des anciens se rappellent qu’on l’appelait ainsi autrefois « danse des Galls », à cause, croyait-on, de sa ressemblance avec un combat de coqs. Le mot patois « gal », signifie coq.

Au 14e et au 15e siècles, l’Auvergne, comme d’autres provinces du royaume eut à souffrir des guerres contre les Anglais, fut dévastée par les Grandes Compagnies, pillée, incendiée, par des bandes de routiers, écorcheurs et tuchins, pillards d’Amérigot Marchés. Le peuple malheureux, opprimé par les seigneurs, ruiné par la guerre, épuisé par la famine et la peste… désirait la paix et souhaitait l’avènement d’un bon roi qui le délivrerait de ces calamités. A chaque avènement de Charles V, Charles VI, Charles VII, Louis XI, le peuple, malgré ses misères, comme diversion à ses malheurs… se réjouissait, espérait des jours meilleurs…, il se réunissait sur les couderts, places publiques, dansait et acclamait joyeusement l’avènement d’un nouveau roi, en criant en dialecte auvergnat : « Bou Reï yo ! Bou Reï yo !... Bon Roi il y a ! Bon Roi il y a ! ... »

Par suite de ces acclamations, que les gens du peuple poussaient en dansant les différentes figures, ou genres de danses, dérivés de la danse des Galls, cette danse fut appelée ‘Bouréyo », vocable patois, qui set encore à la désigner en Auvergne, et qui a été mal traduit ou francisé par le mot bourrée.

La bourrée est une danse gaie, animée, gracieuse et galante. Les danseurs peuvent y déployer toute leur dextérité orchestique, tous leurs charmes, toute leur séduction.

Le cavalier est aimable, galant, empressé, essaye de séduire sa compagne, par son amabilité, sa vigueur et son agilité orchestrique, de la conquérir par sa galanterie, ses joyeux refrains de bourrées, tour à tour humoristiques et narquois, amoureux et émoustillants… ou empreints d’une douce et tendre mélancolie…. Il scande de temps en temps la mesure en battant des mains, frappe le sol à coups de talons retentissants, comme s’il voulait intimider sa compagne, pousse de joyeux : Hou ! hou ! hou ! … d’exultants cocorico ! Ehïo ! ïoô !

La femme est gracieuse, en jouée, coquette et provocante, virevolte en faisant calquer ses doigts, fuit son cavalier s’il s’approche, le poursuit s’il s’éloigne, essaye de le charmer par ses gestes gracieux, son sourire, ses œillades amoureuses et provocantes.

 

La bourrée de deux est une joute amoureuse entre les deux danseurs, qui tantôt se poursuivent, tantôt s’évitent, vont, viennent, voltent et virevoltent avec des gestes gracieux et galants…

Tandis que la bourrée de quatre ou de huit est un tournoi orchestique entre les couples, qui s’évitent, s’entrecroisent, font assaut de dextérité orchestique, joutent entre eux, d’élégance, de grâce et de charmes…

La bourrée Figurée, ainsi appelée, à cause des nombreuses figures qui composent cette danse, est une succession de figures et de bourrées variées. Les danseurs conduits par un « meneur » dansent tantôt parallèlement ou obliquement, en carré, en croix, en losange, en étoiles, etc…, se divisent en groupes distincts de bourrées de deux, de quatre, etc… tantôt, ils dansent en rond, en cercles concentriques, se donnent la main, forment une chaîne, qui serpente entre les danseurs, tourne et retourne, volte et virevolte, se tresse en natte, se roule en spirale, s’embrouille en écheveau, puis, brusquement, se déroule en cercle, en cortège, se disperse en éventail, fus en gerbe, en bouquet d’apothéose, s’irradie en soleil.

 

Fernand DELZANGLES

Journal l’Avenir du Puy-de-Dôme, édition du 18 avril 1912

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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 11:07

L’accusée

            Pauline Montandraud est âgée de 27 ans. N’ayant plus ses parents depuis longtemps, elle a constamment travaillé aux champs. Elle était domestique chez les anciens métayers du domaine de la Goese, les époux Guillain, et est restée avec la nouvelle exploitation.

            Toutes les personnes qui la connaissent sont unanimes à dire qu’elle a un caractère fantasque, presque sauvage, une intelligence peu développée. Petite, mais massive, elle est douée d’une grande force.

            C’est, en un mot, une nature brute, pouvant malheureusement subir facilement une impulsion, soit dans le sens du bien, soit dans le sens du mal.

            Puisque nous parlons du bien qu’elle pouvait faire, nous pouvons citer au moins une action d’éclat à son actif. Il y a trois ans, un incendie grave éclata au bourg de Charensat ; on la vit arriver dès la première heure, monter à une échelle et se tenir au pignon du toit enflammé pour verser des seaux d’eau sur le brasier. Cet acte, certainement digne d’éloges, mais extraordinaire pour une femme, indique précisément un esprit irréfléchi, tout à la fougue du premier mouvement.

            Il y a dans sa conduite d’autres faits aussi bizarres qui montrent mieux encore l’état singulier de son esprit. Elle passait la plupart de ses nuits à parcourir la campagne : dans quel but ? on l’ignore, mais on ne pense pas que ce soit dans un but d’immoralité.

            Ne serait-ce pas au cours de ces promenades nocturnes qu’elle aurait eu des entrevues avec l’auteur des lettres anonymes et aurait pu le renseigner sur ce qui se passait à la Gorse.

            Pauline Montandraud a été longuement interrogée par les magistrats. A toutes les questions qu’on lui a posées, elle a répondu avec sa brusquerie habituelle, qui frise la grossièreté, qu’elle n’était pas coupable.

            Vous me jugerez si vous voulez, disait-elle, vous êtes les maîtres, mais ce n’est pas moi.

            Le procureur a décerné un mandat d’arrêt contre elle et les gendarmes l’ont emmenée à pied jusqu’à Charensat, d’où elle a été conduite en voiture par M. Bouchet, maître d’hôtel à Saint-Gervais, pour être ensuite dirigée sur Manzat et Riom.

            Son arrestation ne semblait lui causer aucune peine ; cependant i y eut un moment où elle fut saisie d’une forte émotion, c’est quand elle dut passer, à Charensat, devant la maison qu’habitent son oncle et sa tante, les seuls parents qui lui restent, et qui ont beaucoup d’affection pour elle.

           

La victime

            Nous sommes allés hier matin au domaine de la Gorse. Après ce que nous avions entendu dire, nous pouvions supposer que la femme Basset serait encore gravement malade et qu’elle était alitée.

            La première personne à qui nous nous sommes adressés, c’était elle-même, debout, travaillant, ne gardant pas, sur sa figure au moins, les traces de la tentative d’empoisonnement dont elle avait été victime.

            « Je souffre encore, nous dit-elle, dans l’estomac et je puis boire que du lait, mais il faut travailler tout de même, maintenant surtout que je suis seule pour faire le ménage ».

            Et la brave femme nous raconte tout au long comment elle fut prise de douleurs.

            Elle souffrit horriblement, au point qu’on la crut perdue et qu’on appela M. l’abbé Roche, vicaire à Charensat, pour lui administrer les derniers sacrements. Grâce aux soins qui lui furent donnés par M. le docteur Jamet, elle se trouva mieux et maintenant son rétablissement complet n’est plus qu’une question de temps.

            Les deux chiens, à qui on avait donné du lait, le meilleur contre-poison en la circonstance, sont également hors d’affaire.

            « Comment, demandons-nous à la femme Basset, pensez-vous que le sulfate de cuivre ait été mis dans votre soupe ?

            Je ne puis pas le savoir, dit-elle, je n’ai rien vu. Il ne serait peut-être pas impossible que, du sac où il se trouvait sur la cheminée, il en soit tombé un morceau dans la marmite, au moment où je trempais ma soupe ».

            La femme Basset nous montre la place où était le sac, car il a été saisi par les magistrats, et nous dit qu’il était percé par endroits.

            Mais elle donne cette explication sans conviction, comme pour parler. Elle semblerait défendre Pauline Montandraud ; en tout cas, elle n’a pas conservé contre la jeune fille la moindre animosité ; elle en fait même l’éloge.

            « C’est, dit-elle, une bonne travailleuse et je n’avais qu’à me louer d’elle ; jamais nous n’avons eu ensemble la moindre difficulté, mais elle a un caractère très bizarre et souvent j’ai remarqué qu’elle paraissait très préoccupée. Un jour, elle m’a dit, il n’y a pas longtemps : « Je serais bien heureuse, si j’étais morte. » J’essayais de la consoler, mais je ne pouvais pas y arriver, parce que je ne connaissais pas la cause de son chagrin. C’était au moment où elle faisait ses sorties pendant la nuit ; j’avais essayé de lui faire quelques petits reproches pour cela, mais elle me fit comprendre que ça ne me regardait pas et comme elle est d’âge à savoir ce qu’elle fait et à agir à sa guise, le l’ai laissé libre.

            La femme Basset nous parle ensuite des lettres anonymes.

            « Sans ces lettres, jamais je n’aurais cru Pauline coupable, j’aurais pensé à un accident.

            Soupçonnez-vous la provenance de ces lettres ?

            Pas du tout, je ne me connais pas d’ennemis et il me semble qu’on ne m’en voulait pas personnellement, ni à mon mari, mais qu’on cherchait simplement à jeter la division dans le personnel du domaine et à me faire partir. Peut-être sont-ce des jaloux qui enviaient notre position, je n’en sais rien.

            Alors, selon vous, Pauline Montandraud aurait obéi à des suggestions étrangères ?

            Je ne puis pas croire que l’idée de commettre ce crime, d’essayer de m’empoisonner lui soit venue ; il a fallu qu’elle fût poussée par quelqu’un. »

            La femme Basset estime qu’au moment où elle a mangé sa soupe, le sulfate de cuivre qu’on y avait mis ne devait pas être complètement fondu, sans cela elle fût morte rapidement, si elle avait mangé la même quantité de soupe.

            La femme Basset, née Françoise Beaufort, est âgée de 34 ans ; elle jouit de l’estime générale et tous ceux qui la connaissent sont vivement affectés du malheur qui l’a frappée.

 

Le mobile du crime – Le vrai coupable

Après tout ce que nous avons dit, nos lecteurs ont eux-mêmes tiré la conclusion.

Le vrai coupable, ce n’est pas Pauline Montandraud. Fille simple, presque sauvage, n’ayant au fond du cœur, on peut le dire, pas plus de haine que de bons sentiments, elle était incapable d’inventer l’épouvantable projet qu’elle a mis à exécution.

Il est vraisemblable que quelqu’un se trouvait derrière elle, ayant une basse vengeance à accomplir, et a guidé sa main. Ce n’était pas difficile de lui inspirer des idées semblables : il suffisait de la prendre par l’amour-propre. On lui eût fait entendre, par exemple, qu’elle avait intérêt à se débarrasser de la femme Basset pour prendre sa place, et la malheureuse n’eût pas hésité à commettre un crime dont elle ne comprenait pas toute l’horreur.

L’auteur des lettres anonymes est évidemment celui qui l’a poussée à cette tentative d’empoisonnement.

C’est celui que la justice recherche déjà. Elle a entre les mains toutes les lettres adressées à la Gorse et il est permis d’espérer que le vrai coupable ne tardera pas à être connu. Le champ des recherches est, du reste, assez limité, car on a remarqué que toutes les lettres avaient été déposées au bureau de poste de Charensat ; il n’y a donc pas à chercher en dehors de la commune.

Ce sera un soulagement d’apprendre que ce triste personnage, qui a conçu froidement et fait exécuter par une main inconsciente un crime dont les conséquences pouvaient être épouvantables, va expier chèrement sa faute.

 

L’avenir du Puy-de-Dôme, journal du 28 juin 1897.

 

En vertu d’une ordonnance de non-lieu de M. le juge d’instruction de Riom, la nommée Pauline Montandraud, qui avait été inculpée d’empoisonnement, vient d’être mise en liberté provisoire.

Ainsi que nous l’avions fait prévoir, il a été impossible d’obtenir un aveu et les charges qui pesaient sur elle, quoique graves, n’étaient pas suffisantes pour la maintenir en prison.

On a, d’autre part, vainement cherché l’auteur des lettres anonymes ; on a fait écrire un grand nombre de personnes pour comparer l’écriture, on n’en a trouvé qu’une dont l’écriture se rapprochât un peu et précisément cette personne ne pouvait pas être soupçonnée.

L’auteur des lettres anonymes a une écriture irrégulière, en fantine, à moins, ce qui est très possible, que cette écriture ne soit pas la sienne et qu’il ait dicté, par exemple, les lettres à un enfant.

 

L’avenir du Puy-de-Dôme, journal du 15 juillet 1897.

           

           

Qui était cette femme BASSET :

 

Françoise Beaufort est née au village du Vernadel, le 18 septembre 1862 ; elle est la fille de Gilbert et de Françoise CAILLOT, tous propriétaires-cultivateurs domiciliés au village du Vernadel. Elle épouse, le 29 avril 1881 à Saint-Priest-des-Champs, Pierre BASSET, né à Chamflux commune de Gouttières, le 23 avril 1861, fils de Gervais, décédé à Gouttières, le 27 avril 1879 et de Françoise GAUVAIN, cultivatrice-colon avec son fils au village de Chamflux.

Le couple BASSET a eu deux enfants nés au Vernadel :

            Pierre François, né le 13 novembre 1881 et décédé le 7 décembre de la même année ;

            Marie, née le 28 septembre 1882.

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17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 11:06

C’est au domaine de la Gorse que s’est produit le drame. Ce domaine, qui appartient à M. Bréchard, avoué à Montluçon, est situé à 2 kilomètres environ de Charensat, près du vaste étang de Chancelade.

Jusqu’à l’année dernière, M. Bréchard avait fait exploiter son domaine, qui est très important, par des métayers, mais, à la Saint-Martin dernière, au mois de novembre, il avait décider d’employer un autre mode d’exploitation et il avait remplacé les métayers, les époux Guillain, par des domestiques sous les ordres d’un gérant, M. Antoine Jasse.

Un domaine aussi considérable que celui de la Gorse exige un nombreux personnel, aussi on ne comptait pas moins de six domestiques, ayant, bien entendu, plus ou moins d’autorité, suivant les conditions de leur engagement ; c’étaient d’abord les époux Basset, le mari, chargé des animaux, la femme s’occupant du ménage et du service intérieur de la ferme ; Jean-Baptiste Neveu, un jeune homme de 22 ans, une jeune fille, Pauline Montandraud, âgée de 27 ans, et deux petits domestiques, Blaise Nénot, âgé de 18 ans, et Eugène Rougane, âgé de 16 ans. Le personnel se complétait encore de l’enfant des époux Basset, une fillette de 13 ans.

L’accord le plus complet existait entre toutes ces personnes et jamais on n’eût supposé qu’un drame pût éclater parmi elles.

 

L’empoisonnement

La femme Basset étant chargée du ménage préparait le repas de tout le personnel. Il en fut ainsi mercredi soir, le 23 juin, sauf toutefois que ce jour-là les convives étaient un peu moins nombreux. En effet, dans la journée, le gérant était parti avec Basset et Neveu pour aller mener du foin à Charensat et ne devaient rentrer qu’assez tard dans la nuit.

Vers 8 heures, le souper était prêt pour Pauline Montandraud et les deux petits domestiques qui se mirent à table. On commençait naturellement par la soupe et la femme Basset avait rempli le bol de chacun.

Quant à elle, trouvant le potage un peu chaud et ayant quelques petits travaux à faire, elle avait déposé son bol sur un buffet et était sortie. Ce n’est qu’après un quart d’heure ou une demi-heure qu’elle revint reprendre son bol et alla manger dehors. La nuit commençait à venir, elle ne remarqua rien dans son potage, mais dès la première cuillerée elle lui trouva un goût singulier.

Elle en fit aussitôt la remarque et Pauline Montandraud lui répondit qu’elle et les petits domestiques avaient trouvé la soupe trop salée, mais qu’après y avoir ajouté du lait, ils l’avaient cependant mangée.

Alors, je la mangerai bien aussi moi, se dit la femme Basset, et elle avala encore quelques cuillerées, mais décidément le goût était trop désagréable ; elle exprima une partie du bouillon, puis elle remit de l’eau et du lait dans le bol.

Elle se remit à manger, mais le goût salé, amer, persistait, si bien qu’ayant absorbé à peu près la moitié du bol, elle alla jeter le reste dans le baquet des chiens. Peu après, elle sentit à la gorge et à la poitrine une vive irritation, et bientôt c’était des brûlures horribles.

En même temps, on entendait les deux chiens du domaine pousser des hurlements de douleur. Les deux bêtes avaient mangé le reste de la soupe ; il était donc évident que le mal dont souffrait la femme Basset et les deux bêtes provenait de la même cause : c’était un empoisonnement.

La pensée ne vint pas à la femme Basset qu’elle était empoisonnée volontairement ; elle crut qu’une araignée venimeuse était tombée dans son bol et que son mal venait de là.

Il était nécessaire cependant d’apporter des soins immédiats et d’appeler un médecin, d’autant mieux que de toutes les personnes du domaine présentes, auxquelles étaient venus se joindre les gens d’une ferme voisine, aucune ne savait quel remède employer.

Un des hommes partit pour Charensat chercher le mari de la femme Basset et une religieuse donnant à l’occasion des soins aux malades, pendant qu’un autre partait pour le Montel-de-Gelat chercher le docteur Jamet.

On avait beaucoup remarqué, s’empressant autour de la malade, la domestique du domaine, Pauline Montandraud ; dès les premiers symptômes de l’empoisonnement, elle était allée appeler les fermiers voisins, elle avait cherché quels remèdes devaient être employés, mais elle paraissait croire, comme la femme Basset, qu’il s’agissait de venin et avait écarté le lait qui, disait-elle, eût été dangereux. On ne l’aurait certainement pas soupçonnée à ce moment d’être l’auteur de l’empoisonnement, cependant on n’allait pas tarder à la déclarer coupable.

 

La cause de l’empoisonnement – L’enquête

Quand M. le docteur Jamet fut arrivé, il reconnut aussitôt les symptômes d’un empoisonnement par le sulfate de cuivre.

Le sulfate de cuivre n’était pas inconnu au domaine : on s’en servait chaque année en dissolution pour laver le froment destiné à l’ensemencement et le mettre ainsi à l’abri des insectes ; on l’employait encore réduit en poudre, dans une maladie qui atteint les piedes du mouton. Il en restait une certaine quantité dans un sac qui se trouvait précisément placé sur une planchette surmontant la cheminée de la cuisine.

Restait à savoir si le sulfate de cuivre avait pu tomber accidentellement au moment où la femme Basset trempait la soupe ou bien s’il avait été mis dans le bol par une main criminelle.

La première hypothèse paraissait peu admissible ; on pouvait croire à la seconde, mais il fallait qu’elle fût appuyée de quelques preuves.

Il s’en chuchota une tout d’abord. Les petits domestiques, Blaise Nénot et Eugène Rougane, avaient remarqué l’attitude assez singulière de Pauline Montandraud, au moment du repas. Elle avait commencé par dire qu’elle n’avait pas faim et pendant que les jeunes gens mangeaient, elle avait à plusieurs reprises fait le tour de la pièce et s’était arrêtée devant le buffet sur lequel était placé le bol de la femme Basset.

C’était un indice qui devait mettre sur une piste. M. Bréchard, le propriétaire, avait aussitôt été avisé de ces faits et s’était empressé d’en informer le juge de paix de Saint-Gervais.

Vendredi, le juge de paix arrivait à Charensat, accompagné de M. le docteur Bataille, et commençait l’enquête. En même temps, il avait prévenu le parquet de Riom qui partait vendredi soir et qui arrivait samedi matin à Charensat.

La justice se rendit donc à la Gorse et c’est là que furent interrogés les témoins, qu fut achevé l’enquête.

Quand le parquet repartit à 11 heures, une arrestation avait été opérée, celle de Pauline Montandraud.

 

Les lettres anonymes

Les déclarations des petits domestiques avaient été appuyées par un autre élément de preuves, qui avait une grande portée.

Depuis quelques mois, à la Gorse, c’était une véritable pluie de lettres anonymes. La première était arrivée adressée, comme le furent toutes les autres depuis, à la femme Basset, dans le courant de février dernier ; elles suivirent ensuite à peu près de semaine en semaine.

Ce que contenaient ces lettres ? Des calomnies et des calomnies nouvelles à chaque lettre. On mettait successivement en jeu le gérant, M. Jasse, les époux Basset et Pauline Montandraud.

Un jour on attaquait leur moralité, un autre jour leur honnêteté. C’est ainsi qu’une lettre accusait la femme Basset de voler des produits de la ferme et de les emporter chez ses parents à Saint-Priest-des-Champs.

Chose assez singulière, dans la plupart de ces lettres il était fait allusion à des propos tenus au domaine ou à des faits qui s’y étaient passés. L’auteur des lettres savait donc ce qui se passait à la Gorse et, comme il n’y habitait pas, il fallait qu’il fût tenu par quelqu’un au courant de tout ce qui s’y passait.

L’idée qui perçait derrière ces lettres était qu’on voulait décourager les époux Basset et les engager à quitter le domaine. Ca ne marchera jamais bien à la Gorse, leur disait-on un jour, tant que M. Bréchard ne reviendra pas aux Métayers, ou bien encore : Partez, si vous ne voulez pas qu’il vous arrive des malheurs.

La première lettre, la femme Basset, ne voulant y attacher aucune importance, l’avait brûlée ; la seconde l’émut davantage et la montra à M. Jasse, qui ne voulut pas non plus s’en préoccuper ; mais les autres le troublèrent à son tour. Les lettres anonymes répétées si fréquemment causèrent beaucoup d’ennuis et une vraie gêne aux habitants du domaine ; il semblait que les lettres fussent une menace continuelle.

M. Jasse avait pris une mesure pour empêcher ces lettres de tomber entre les mains de la femme Basset.

Celle-ci donc finit par croire qu’on allait la laisser tranquille, mais les lettres arrivaient toujours, et M. Jasse, qui y était constamment visé, en était fort ennuyé.

Le 18, il en eut une nouvelle qui lui parut tellement grave qu’il se crut obligé de la montrer à la femme Basset. Mais celle-ci ayant peu d’instruction, d’autre part la lettre étant mal écrite, ne sut pas la lire et cependant il y avait quelque chose qui l’intéressait vivement.

En effet, il était dit dans cette lettre qu’elle serait empoisonnée le 23 ; l’événement est venu malheureusement confirmer cette prédiction.

On aurait pu croire que ces lettres étaient envoyées par Pauline Montandraud, mais la jeune fille ne sait pas écrire et, d’autre part, elle y était assez malmenée.

Ceci nous amène donc à parler de cette jeune fille et les rapports qu’elle a pu avoir avec l’auteur de ces lettres anonymes.

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4 décembre 2022 7 04 /12 /décembre /2022 18:15

Cour d’Assises du Puy-de-Dôme

Audience du 6 août 1896

Affaire du Quartier

 

Pas plus que les précédentes, cette affaire ne suscite une grande curiosité.

L’accusé, Gilbert Souillat, âgé de 32 ans, qui exerçait au Quartier les professions de cultivateur et maçon, est un personnage peu intéressant.

C’est un criminel vulgaire qui, ayant déjà un peu l’habitude de la justice, ne parait nullement étonné de se trouver sur le banc des accusés ; il en parait au contraire presque satisfait, car fréquemment on le voit sourire.

Il se défend énergiquement, accusant tous les témoins de mensonge.

M. Depeiges occupe le siège du ministère public ; M. Seguin est au banc de la défense.

 

Acte d’accusation

            Le 29 avril 1896, vers dix heures du soir, Gilberte Passavy, épouse Souillat, menacée par son mari qui la maltraitait fréquemment, s’était réfugiée chez François Passavy, son frère, et l’avait supplié de la recueillir. Quelques instants après, survint Souillat furieux et pris de vin ; il invectiva son beau-frère, qui était couché. Poussé à bout, celui-ci se leva et, avec l’aide de sa femme, il mit Souillat à la porte ; il reçut, en repoussant l’accusé, deux coups à la tête, assénés à l’aide d’une pierre ou de tout autre instrument contondant que Souillat tenait à la main, mais il n’en est point résulté de blessures graves.

            Au même moment, le nommé Doucet Jean, beau-frère et voisin de Passavy, sortit devant sa porte et dit à Souillat : « N’y reviens pas, cela irait mal pour toi ». Souillat se retira, mais il ne tarda pas à revenir et, à la suite de quelques propos sans importance, il frappa Doucet à la tête au moyen d’une pierre. Le coup fut si violent que le choc fut entendu par les voisins.

            Souillat prit alors la fuite et Doucet rentra chez Passavy tout ensanglanté en disant ; « Souillat m’a assommé ». Il fut ensuite reconduit à son domicile et ne tarda pas à perdre la parole. Il est demeuré sans connaissance jusqu’à sa mort, survenue trois jours après, c’est-à-dire le 2 mai suivant.

            Il résulte de l’autopsie faite par le médecin légiste que cette mort a été la conséquence directe du coup. L’accusé ne nie pas le fait qui lui est reproché ; il a prétendu d’abord ne pas s’en souvenir, à cause de l’état d’ivresse dans lequel il se trouvait. Il a essayé ensuite d’atténuer la faute en soutenant que Doucet avait des relations coupables avec sa femme ; ce fait a été démenti par l’information.

            Souillat est en outre accusé d’incendie volontaire. Dans la nuit du 13 au 14 octobre dernier, au Quartier, un corps de bâtiment lui appartenant, quelques objets mobiliers et des récoltes renfermés dans cet immeuble devenaient la proie des flammes. Un édifice voisin, appartenant à la veuve Taubaty et auquel le feu se communiqua, fut aussitôt incendié.

            Souillat avait été dénoncé comme l’auteur de ces deux sinistres. Une instruction ouverte contre lui à cette occasion avait d’abord été close pour insuffisance de preuves par une ordonnance de non-lieu ; elle a été reprise ultérieurement sur charges nouvelles, et les éléments d’information recueillis ont permis d’établir la culpabilité de Souillat.

            En effet il avait assuré son immeuble et son mobilier pour une somme supérieure à leur valeur réelle ; il a indiqué à différentes époques qu’il espérait tirer profit de cette situation. Il a même proposé à un témoin de mettre le feu chez lui, moyennant une somme d’argent.

            De plus, l’incendie s’est déclaré alors que Souillat était seul à son domicile ; au lieu de chercher à l’éteindre, il est resté inactif ; mais le bétail, qui n’était point assuré, était sorti de l’étable lorsque les voisins accourus sur les lieux.

            Enfin, il a tenu plusieurs propos qui semblent contenir l’aveu implicite de la culpabilité. 

            Malgré ces charges, Souillat a nié constamment le fait d’incendie qui lui est reproché. L’accusé a déjà subi une condamnation pour coups et blessures. Les renseignements recueillis sur son compte ne sont pas favorables : il s’adonnait à l’ivrognerie, maltraitait journellement sa femme et s’était fait redouter de tous ses voisins.

 

Interrogatoire de l’accusé

            M. le président parle d’abord des antécédents de l’accusé, qui sont mauvais.

            - Je n’ai fait de mal à personne, répond l’accusé.

            - Tout le monde n’est pas de votre avis. Vous passez pour être ivrogne, batailleur et d’une moralité douteuse. Vous n’avez été condamné qu’une fois, il est vrai, et légèrement : 25 francs d’amende seulement.

            - C’était déjà trop.

            - On s’était trompé en donnant votre bulletin judiciaire, et on avait remis celui de votre frère, qui a subi des peines importantes. Toute votre famille, du reste, a passé devant la justice. On vous représente comme « du monde capable de faire tout le mal possible. »

            - Nous avons toujours cherché à gagner notre vie honnêtement, sans faire de mal.

            - Les condamnations de votre père et de vos frères prouvent le contraire. Pou vous, vous êtes très redoté dans le pays ; dans les auberges, on vous craint.

            - Dans des auberges où j’ai été deux ans sans aller.

            - Vous vous êtes bien rattrapé depuis, alors. Vous avez une très bonne opinion de vous, mais elle n’est malheureusement pas appuyée par des faits. Quant à votre victime, Doucet, c’était un homme très doux, très estimé, le contraire de vous, en un mot. Vous le disiez votre meilleur ami et vous avez même déclaré à l’instruction que vous l’aviez frappé par amitié.

            - Je n’ai jamais dit ça.

            - C’est tout au long dans l’instruction et à plusieurs reprises. Vous n’avez jamais rien eu à reprocher à Doucet ?

            - Je ne sais pas comment j’ai fait ; je ne m’en rappelle même pas.

            - Vous ne dites plus aujourd’hui que Doucet était votre meilleur ami. Vous changez une fois de plus votre système ; vous reprenez celui que vous aviez invoqué tout d’abord.

            - Je dis la vérité, je suis ici pour ça.

            - Non, vous n’êtes pas pour dire la vérité et on ne vous croira pas.

            M. le président arrive ensuite au meurtre.

            - Vous avez passé la journée du crime dans les auberges. En rentrant chez vous, vous vous êtes conduit de la façon la plus grossière avec votre femme ; vousl’avez mise à la porte et vous l’avez obligée à aller coucher chez votre beau-frère Passavy.

            - J’ai passé la journée à m’occuper de l’enterrement de ma belle-sœur qui venait de mourir. Le soir je suis rentré pour coucher mon enfant, sa mère n’étant pas là.

            - Elle avait une bonne raison de ne pas être là ; vous l’aviez mise à la porte en fermant la porte à clef.

            - Elle était bien contente de s’en aller.

            - Pourquoi donc ?

            - Parce que Doucet était son amant.

            - Ah ! vous reprenez le système de défense que vous a indiqué votre mère. Elle vous a bien fait la leçon votre mère, seulement vous avez eu le tort de dire le contraire pendant l’instruction. Vous avez dit à ce moment que vous n’aviez rien à reprocher à votre femme.

            - Je ne voulais pas le dire.

            - Vos scrupules, s’ils sont justes, ce qui ne parait pas vraisemblable, sont singuliers car vous n’avez pas toujours été aussi délicat. Enfin, revenons à l’affaire. Vous avez passé la journée, dites-vous, à vous occuper de l’enterrement de votre belle-sœur.

            - Oui, j’ai porté secours à mon frère.

            - Vous avez une singulière manière de lui porter secours ; vous vous êtes battu avec lui toute la journée. Le soir, vous êtes allé faire une scène chez Passavy. Vous maltraitiez votre femme ?

            - Je ne l’ai jamais frappée.

            - Il n’y a qu’une voix dans la commune pour vous accuser. Vous êtes donc allé chez Passavy vers 9 heures ½ du soir ; vous n’alliez pas chercher votre femme.

            - Si, j’allais la chercher.

            - Vous ne vous êtes pas occupé d’elle. Vous avez commencé par insulter Passavy qui vous a répondu doucement : « Emmène ta femme et rentre chez toi. » Ca ne faisait pas votre affaire ; vous aviez apporté une pierre et vous la lui jetez à la tête. Passavy perd alors patience ; il se lève ainsi que sa femme pour vous mettre à la porte. Vous vous jetez sur lui et, armé de votre clef vous le frappez brutalement.

            - Je ne l’ai pas frappé.

            - Les blessures sont là cependant.

            - Ce n’est pas moi qui les ai faites.

            - Enfin, vous vous enfuyez chez vous et pas une fois vous ne pensez à votre femme.

            - J’étais venu pour la demander.

            - Rentré chez vous, vous ne tardez pas à revenir. Vous aviez soif de bataille. Ainsi que vous l’avez dit dans la journée, vous vouliez faire un mauvais coup.

            - Non, j’allais chercher ma femme.

            - Vous vous en moquiez pas mal de votre femme. Vous allez de nouveau frapper chez Passavy ; cette fois, c’est la femme de Passavy qui vous engage à rentrer chez vous et à vous emmener.

            - Elle ne m’a rien dit.

            - Si, elle vous a parlé et vous vous êtes écrié : « Il faut que j’en tue un avant de partir. »

            - Je n’ai jamais dit ça.

            - C’est alors que Doucet intervient et vous donne aussi le conseil de vous retirer. Pour répons, vous prenez une pierre et vous le frappez à la tête.

            - Je ne sais pas comment ça c’est fait.

            - Vous aviez donc ramassé une pierre en sortant de chez Passavy.

            - C’est Doucet qui m’a frappé le premier ; il m’a égratigné à la figure, j’en avais la trace.

            - Ce n’est pas étonnant que vous ayez été égratigné, vous vous êtes battu toute la journée.

            - Non, ça vient de Doucet.

            - Vous vous rappelez de ce détail et ensuite vous ne vous rappelez plus de rien ; c’est curieux. Après avoir terrassé Doucet vous vous enfuyez encore chez vous.

            Mis en garde par la réflexion de M. le président, Souillat juge prudent alors de déclarer qu’il ne se rappelle plus de rien.

            - Pendant les jours qui ont suivi le crime, vous vous êtes caché.

            - Je n’ai pas du tout cherché à me cacher.

            - Cependant, les gendarmes ne vous trouvent pas et ce n’est que le 2 mai, quatre jours après le crime, qu’ils peuvent vous interroger. Vous êtes allé chez le médecin faire constater vos blessures ; il n’a constaté qu’une meurtrissure au visage.

            - Je n’ai pas montré les autres.

            - Si vous aviez eu d’autres blessures, vous les auriez fait constater. Vous prétendez que Doucet vous a frappé d’un coup de bâton.

            - Oui.

            - Eh bien, les témoins disent le contraire.

            M. le président montre ensuite les contradictions qui résultent des déclarations de l’accusé, tant à l’audience qu’à l’instruction.

            On arrive ensuite à l’incendie. Une première fois, Souillat bénéficie d’une ordonnance de non-lieu.

            - Aussitôt en liberté, dit M. le président, vous vous mettez à insulter et à menacer les témoins qui avaient déposé contre vous.

            - Je n’ai menacé personne.

            - Vous niez, comme toujours. L’incendie eut la nuit du 13 au 14 octobre 1895 ; ce soir-là, vous aviez été à l’auberge avec Roche et Passavy. Vous quittez Roche et Passavy vers minuit ; une demi-heure après, le feu était dans votre maison. Votre femme était chez Passavy ?

            - Oui.

            - En rentrant chez lui, Passavy prévient votre femme qui se lève et va vous rejoindre. Un quart-d ’heure après, elle revient prévenir sa mère et Passavy que le feu était chez vous. Or, quand Passavy était passé, il n’y avait pas de trace de feu et, un quart-d’heure après, tout brûlait. Comment voulez-vous que le feu ait pris aussi brusquement si vous ne l’avez pas mis/

            - Je ne sais pas comment l’incendie s’est déclaré ; ce n’est toujours pas moi qui ai mis le feu.

            - Votre attitude pendant l’incendie est cependant assez singulière. Vous n’appelez pas au secours, vous ne faites rien pour éteindre le feu ; mais ce qu’il y a de mieux, c’est que quand on arrive pour organiser les secours, on trouve vos bestiaux sortis de l’étable ; or, vos bestiaux n’étaient pas assurés, vous aviez eu bien soin de les sauver.

            - Je les ai sauvés parce que j’y ai pensé et que j’en ai eu le temps.

            - Il y a une autre charge plus grave contre vous. On vous a demandé des explications pendant l’incendie ; vous avez compris à ce moment la nécessité de faire croire que vous n’étiez pas resté seul. A un voisin qui vous interrogeait vous avez dit : « Je suis allé chercher ma femme chez Passavy, je ne sais pas comment ça s’est fait. » Or, vous n’êtes point allé chez Passavy ; celui-ci vous a quitté et a dit à votre femme d’aller vous rejoindre.

             Je n’ai jamais dit ça.

            Toujours le même système ; quand un témoin vous gêne, vous dites qu’il ment. Vous aviez acheté cette maison peu auparavant. Depuis combien de temps était-elle assurée ?

            - Depuis six mois.

            - Vous étiez assuré pour 5.000 fr. Vous avez estimé vos pertes à une dizaine de mille francs.

            - J’ai bien perdu ça.

            - Votre expert n’a estimé cependant vos dégâts qu’à 2.400 francs. Votre voisin Taubaty et toute la commune ont pensé que vous étiez l’incendiaire. Taubaty a déposé une plainte ; pour lui faire retirer sa plainte, vous lui avez offert 750 francs ?

            - Jamais.

            - C’est encore un mensonge ; Taubaty n’ayant pas accepté, vous lui avez offert 1.000 francs. Vous aviez préparé cet incendie depuis longtemps ; vous aviez proposé à Pannetier de mettre le feu chez vous ; vous offriez de lui donner ce qu’il voudrait.

            - Je n’ai jamais parlé de ça à Pannetier.

Souillat nie également tous les autres propos qui l’accusent et proteste contre l’opinion général des habitants de la commune qui tous le considèrent comme incendiaire.

 

Les dépositions

            Le défilé des témoins va être très long. Il y a 38 témoins à entendre, dont cinq à décharge.

            Le premier est Marcel Gomot, âgé de 16 ans, voisin de Souillat, qui a assisté à la scène que celui-ci a fait à sa femme.

            Il a entendu Souillat dire : « Je vais faire un mauvais coup et je vais me noyer. »

            Le témoin n’a point assisté au meurtre.

            Il donne quelques renseignements sur l’accusé.

            Sur une question de Me Seguin, Marcel Gomot dit que, lors de l’incendie, Souillat travaillait à sauver son mobilier.

            La femme Gidel, voisine de Souillat, parle aussi des mauvais traitements dont Souillat a accablé sa femme avant le crime. C’était des disputes continuelles dans le ménage ; fréquemment Souillat mettait sa femme à la porte.

            M ; le président lui demande à quel moment on a parlé des relations coupables que la femme Souillat aurait eues avec Doucet.

            Le témoin dit que c’est un bruit qui a été répandu par Souillat, mais personne n’y croit.

            Les témoins suivants, Eugénie Dubousset, femme Jouhet et Alfred Roffet, maréchal-ferrant, ne font que confirmer la déposition de la femme Gidel.

            La première montre une certaine animation contre l’accusé qui prétend que la femme Jouhet lui en veut mortellement parce qu’il a tenu sur elle des propos offensants.

            Alfred Roffet, maréchal-ferrant, a également assisté aux brutalités de Souillat vis-à-vis de sa femme. Il a vu celui-ci mettre sa femme à la porte.

            Le témoin ajoute qu’un jour, se trouvant à boire avec Souillat, celui-ci lui a dit : « Si je n’avais pas été assuré, je n’aurais pas brûlé ; je vais toucher 2.800 francs ; pour .500 francs je ferais construire une nouvelle maison, ça fera bien mon affaire. »

            - L’accusé : Je n’ai jamais dit ça.

            Le témoin affirme que Souillat a bien tenu ce propos.

L’audience est suspendue à midi.

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16 novembre 2022 3 16 /11 /novembre /2022 15:30

Ce n’est pas d’un tyranneau, mais d’un ex-tyranneau de village que nous occupons aujourd’hui. En effet, depuis le 3 mai dernier, le sieur Chassagnette, ancien maire de Charensat, importante commune du canton de Saint-Gervais, a été réduit à l’impuissance par les électeurs qui l’ont mis à la porte de la mairie : Il est passé à l’état de momie municipale. Mais cet intéressant spécimen ne déparera pas notre galerie.

            Pendant 18 ans, M. Chassagnette a traité sa commune comme un fief lui appartenant. A tout propos il menaçait les contribuables de la prison. Il portait toujours avec lui son écharpe et il faisait peur aux paysans en la montrant et en disant : « Si l’un de vous a le malheur de bouger, je le ferai mettre en prison ».  C’était sa menace habituelle, mais tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse. A la fin, ces braves gens ont voulu reconquérir leur liberté, et le matin du 3 mai dernier, lorsque le sieur Chassagnette, ceint de son écharpe et escorté de son garde-champêtre, est sorti sur la place pour haranguer les électeurs et foudroyer ses adversaires, il fut reçu par des huées et des sifflets ; il ne put prononcer un mot : le soir même il n’était plus maire.

            Furieux, le tyranneau Chassagnette vient d’inventer une vengeance originale. Naturellement il poursuivit les élus devant le conseil de préfecture et perdit son procès : il a fait appel devant le conseil d’État et perdra de même. Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit M. Chassagnette vient d’intenter à la commune de Charensat on procès, lui réclamant la somme de 550 francs comme solde de ses frais pour avoir administré la commune pendant 18 ans !!

            Ce tyranneau, justement révoqué par les électeurs, a voulu sans doute imiter l’exemple des conseillers municipaux de Paris, de Limoges, et de bien d’autres villes qui se sont votés de riches appointements aux dépens des contribuables. Mais, jugeant ses services à leur véritable valeur, il ne leur réclame que 550 francs pour dix-huit ans ; à peu près 30 francs par an, c’est modeste.

            Le conseil municipal de Charensat, saisi de cette question à sa dernière séance, a nettement repoussé cette demande, attendu que les fonctions de maire sont gratuites. Furieux, M. Chassagnette va plaider ; nous allons pouvoir rire aux dépens de l’ex-tyranneau.

 

Avenir du Puy-de-Dôme – Journal du 31 août 1896.

 

            Nous avons parlé de l’ex-tyranneau Chassagnette, ancien maire de Charensat, qui essaie de se venger aujourd’hui des électeurs qui l’ont mis à la porte en leur réclamant une somme de 576 francs 50 pour ses honoraires d’administration. Or, nous apprenons, au sujet de M ? Chassagnette, un détail vraiment stupéfiant : malgré de nombreuses protestations, M. Chassagnette, en même temps qu’il était maire de Charensat, était juge de paix de Chénérailles, Creuse, commune distante de 47 kilomètres de celle où il exerçait les fonctions de maire !

            M. Chassagnette cumulait donc les fonctions ; il voudrait aussi cumuler les appointements.

            Voici le détail des sommes qu’il a réclamées à la commune par voie hiérarchique, c’est-à-dire au moyen d’un bordereau adressé à la préfecture le 11 juin dernier et transmis ensuite à la municipalité de Charensat :

  1. Dix-sept voyages à Saint-Gervais pour faire tirer les jeunes gens au sort, à 5 f r. (Frais du cheval compris) :                                                             85
  2.       Dix-huit voyages à Saint-Gervais pour assister au conseil de révision, à 5 f r. (Frais du cheval compris) :                                                             90
  3. Dix-sept voyages à Saint-Gervais pour former la liste du jury, à 5 f r. (Frais du cheval compris) :                                                                                             
  4. En 1881, un voyage à Clermont pour l’adjudication des travaux du clocher    25
  5. Un voyage à Saint-Gervais paour le même objet                                  
  6. Un voyage à Clermont pour fixer l’emplacement des gares du chemin de fer de Saint-Eloy à l’Etrade                                                                             25
  7. Un voyage à Clermont et à Riom à cause des difficultés survenues à l’occasion de la pose de l’horloge communale                                                                  42
  8. Procès Beschard (sauf recours de la commune contre ce dernier)         214,50

Total :                                    576,50

Comme on le voit, ce modèle de fonctionnaires radicaux n’oublie rien. Le conseil, nous l’avons déjà dit, a refusé de payer et a autorisé le maire à ester en justice pour défendre les droits de la commune.

Nous aurions beaucoup à dire sur la gestion de M. le juge de paix de Chénérailles, ancien maire de Charensat ; mais cela nous entrainerait trop loin. Nous en reparlerons au moment du procès, s’il a lieu.

 

Avenir du Puy-de-Dôme – Journal du 4 septembre 1896.

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8 novembre 2022 2 08 /11 /novembre /2022 15:46

Un épouvantable incendie vient de détruire un village presque entier, le village de Montivernoux qui se trouve situé sur trois communes, Espinasse, Bussières et Saint-Maigner.

Vendredi soir, au cours d’un violent orage, un formidable coup de tonnerre faisait sursauter les habitants de Montivernoux. Quelques instants après, le cri : au feu retentissait dans le village. Le feu venait d’éclater en même temps dans deux maisons, l’une appartenant à M. Gilbert Clairet, l’autre à M. Robert CLAIRET.

Ces deux maisons sont cependant éloignées d’une vingtaine de mètres. Pour que le feu ait pris en même temps dans l’une et l’autre, il faut admettre qu’elles aient été frappées toutes les deux par la foudre.

Ces deux maisons, comme toutes celles du village, étant couvertes en chaume, le feu se développa avec une rapidité effrayante, activé encore par un vent violent qui portait au loin des flammèches et des débris enflammés.

Par malheur, l’au manquait, et on ne pouvait arrêter la marche envahissante du fléau. Bientôt le feu gagnait la maison de M. Martin Paret-Thuel, puis deux écuries, une grange et une remise appartenant au même propriétaire, puis une maison non habitée, deux écuries, et une grange appartenant à M. Denis Chaput. L’incendie continuant sa marche détruisait ensuite une maison, une écurie et une grange appartenant à Mme veuve Dubosclard, et enfin trois écuries et une grange à Mme veuve Thuel.

Le spectacle était effrayant et les incendiés assistaient navrés au sinistre qui dévorait leurs maisons, leurs granges, leurs fourrages, etc. Pour arrêter les progrès du feu, on n’avait d’autre ressource que d’étendre des draps mouillés sur les toitures en chaume.

Il y a eu, au total, 5 maisons, 9 écuries et 6 granges détruites par le feu avec d’énormes quantités de récoltes, grains, paille, fourrages et même d’instruments aratoires.

Les pertes son considérables et le plus triste c’est que, parmi les sinistrés, un seul est assuré ; c’est Mme veuve Thuel. Les autres sont absolument ruinés.

M. Gilbert Clairet perd en outre deux vaches qui ont été tuées par la foudre.

Cet événement a produit dans le pays une émotion bien légitime.

 

Voici le chiffre des pertes causées par ce terrible sinistre :

M. Gilbert Clairet, sur la maison duquel la foudre est tombée et qui a eu, outre sa maison et son écurie incendiées, deux vaches tuées par la foudre, estime ses pertes à 6.000 francs.

M. Robert Clairet, par l’incendie de sa maison perd 4.000 francs.

M. Martin THUEL, dont la maison, deux écuries, une grange et une remise ont été détruites, perd 6.000 francs.

Mme Jeanne Paynard, veuve Dubosclard, pour sa maison, son écurie et sa grange, perd 6.000 francs.

M. Denis Chaput, pour une maison, deux écuries et une grange, 6.000 francs.

Mme Marie Parret, veuve Thuel, pour trois écuries et une grange, 3.000 francs, est assurée pour 4.500 francs.

Le total des pertes s’élève donc à 31.000 francs.

 

Avenir du Puy-de-Dôme – Journaux du 8 et 9 septembre 1896

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12 septembre 2022 1 12 /09 /septembre /2022 22:15

Le 1er juin 1875 à Pionsat, le correspondant du Moniteur du Puy-de-Dôme, signale un violent orage qui a éclaté sur la localité. Le 4 juin, il écrit que hier, 3 juin à onze heures du soir, un autre orage s’est déclaré avec une rapidité et une violence extraordinaire. Une pluie torrentielle s’abattait sur le bourg et ses alentours. Dans l’espace d’une heure et demie toutes les rues furent inondées, les récoltes ont été entrainées, les près dévastées et les jardins détruits. Il n’y a aucune perte humaine.

Le même jour, le correspondant de Montaigut décrit le même scénario catastrophe. Il décrit les mêmes dégâts et signale des pans de murs renversés et des chemins défoncés. Là aussi il n’y a pas de perte humaine.

Celui de Saint-Eloy écrit la même chose et conclut par : « Heureusement qu’il n’y a eu ni vent ni grêle. »

A Laqueuille, pourtant loin de Pionsat, un orage violent a éclaté vers huit heures du soir. Les dégâts sont très importants et la foudre a incendié une maison couverte en chaume. L’incendie s’est très vite propagé à deux maisons voisines et à un bâtiment qui servait d’abattoir.

L’orage ou les orages, avec la même violence, sont passés sur Clermont, Riom, Thiers et Issoire. Il semble donc que c’est tout le département qui a été touché.

 

Voici la transcription d’un article du correspondant de Saint-Gervais en date du 4 juin :

« L’orage de jeudi a causé des désastres épouvantables, et un effroyable accident, dans la commune de Sauret-Besserve.

            Une trombe d’eau s’est précipitée sur le moulin de Nirmont qui a été entièrement écrasé, et quatre personnes ont été trouvées, ensevelies sous les décombres, frappées probablement pendant leur sommeil. Ce sont les nommés : Gomot Jean, âgé de 35 ans ; Gaillard Bonnette, âgée de 32 ans ; Marie Masson, 9 ans ; Pauline Gaillard, 7 ans.

            En même temps un mulet, un cheval, deux chèvres, un porc et un âne ont été écrasés dans l’écroulement du moulin.

            La gendarmerie et M. le juge de paix s’étaient transportés sur les lieux pour organiser le sauvetage, mais on a retrouvé que des cadavres.

            Les pertes matérielles s’élèvent à 5.000 francs et on estime les dégâts causés dans la commune de Sauret-Besserve à cent mille francs au moins.

            Si le chiffre n’est pas exagéré, il y aura de nombreuses infortunes à soulager dans cette commune, une des plus petites du canton de Saint-Gervais.

            La désolation est universelle et la nouvelle de la mort de ces quatre victimes a jeté la consternation dans tout le pays. » (Moniteur du Puy-de-Dôme, journal du 6 juin 1875)

Jean GOMOT

Jean GOMOT

Bonnette Gaillard

Bonnette Gaillard

Les enfants

Les enfants

Je n'ai pas pu situer le lieu des Hivert.

Toute la France semble avoir été touchée pendant ce mois de juin 1875 et plus particulièrement les villes bordants la Garonne

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3 septembre 2022 6 03 /09 /septembre /2022 22:42

Articles trouvés dans le Moniteur du Puy-de-Dôme de 1875.

Journal du 31 mai 1875

Journal du 31 mai 1875

Journal du 4 juin 1875

Journal du 4 juin 1875

Journal du 4 juin 1875 suite

Journal du 4 juin 1875 suite

Journal du 12 juin 1875

Journal du 12 juin 1875

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29 novembre 2021 1 29 /11 /novembre /2021 22:14

Lu dans le journal Le Petit Clermontois du 17 septembre 1886.

            Tous les missionnaires ne sont pas au Tonkin, ni en Chine. Il en est qui trouvent plus commode de venir apporter la « parole de Dieu » aux populations de nos campagnes, bien que les habitants du Puy-de-Dôme n’aient point l’habitude de jeter leurs enfants dans l’onde homicide du fleuve jaune. Il est vrai que ceux du Céleste-Empire ne l’ont pas d’avantage, si l’on en croit certains auteurs peu orthodoxes.

            Donc, nos montagnes ont le bonheur de posséder des missionnaires. Ce n’est pas la première fois que l’on essaie de renouveler les prodiges accomplis pendant la Mission de 1829, mais la tâche devient difficile. Le Saint-Esprit fait des façons pour descendre de la voûte des églises, et le tonnerre et les éclairs ont pris l’habitude d’agir quand bon leur semble, au lieu d’obéir à la voix des prédicateurs.

            Cela n’empêche pas. On fait ce qu’on peut. Les missionnaires tonnent personnellement, et à force d’invoquer l’enfer et tous les diables, ils finissent toujours à ramener au bien – lisez au confessionnal – quelques pêcheurs égarés. D’abord leur clientèle se compose de quelques vieilles femmes ; puis les indifférents se laissent gagner. Les missionnaires sont si contents ! Ils donnent l’absolution à si bon compte ! Ce n’est pas comme le vieux curé ou le petit vicaire qui vous épluche une conscience jusque dans les recoins les plus discrets.

            Ces bons missionnaires se contentent de gratter la surface. Ils ont tant d’âmes à convertir ! Et dam ! C’est très commode, de raconter ses péchés à un homme qui n’écoute que d’une oreille. Un court résumé, quelques paroles latines et tout est dit, qui est-ce qui ne voudrait pas profiter de cette aubaine ?

            Doux en confession, les missionnaires sont terribles en chair. Ils vous décrivent les supplices infernaux de façon à donner la chair de poule. Quand on peut éviter de si grands maux en se donnant aussi peu de peine, on serait bien bête si l’on y manquait. Tel est le raisonnement qui s’infiltre peu à peu dans l’esprit des auditeurs, et, chaque jour, il s’en confesse une fournée.

            A Saint-Priest-des-Champs, les missionnaires ont fait une campagne superbe. La mission a duré trois semaines, et ceux que la grâce n’a pas touchés sont rares. Malheureusement, le dernier jour a été signalé par un incident qui a jeté un froid.

            Les missionnaires, fidèles à leur tactique, qui consiste à frapper surtout l’imagination, célébraient qun grand’messe en plein air, sur la place publique. Quelques jeunes gens, convenablement dressés, tiraient en leur honneur des pétards et des coups de fusils. Les missionnaires adorent cela. Fusillade et pétarade alternaient avec les chants sacrés. C’était bruyant, mais c’était très beau.

            Un charron, animé d’un peu de zèle, faisait mieux. Avec un vieux tube de fer, monté sur une sorte d’affût, il avait fabriqué un canon. Muni d’une petite caisse pleine de poudre, il chargeait l’instrument par la culasse, et le canon tonnait pour la plus grande gloire de Dieu.

            Tout à coup, une fusée, maladroitement lancée par un nommé V…, vint tomber encore enflammée dans la caisse de poudre. Une explosion formidable eut lieu, et le malheureux Abavid – c’est le nom du charron – se mit à pousser des cris affreux. Il était grièvement brûlé.

            On s’empressa autour de lui, le curé en personne vint lui prodiguer des soins qui n’étaient pas inutiles, car Abavid était dans un état lamentable. Quand aux missionnaires, ils chantaient, et le diable n’interromprait pas un missionnaire qui chante. Les cantiques continuèrent de plus belle.

            Les missionnaires partirent le lendemain et le charron resta quinze jours sans pouvoir travailler.

            Voilà le plus beau miracle qu’ait produit la mission à Saint-Priest-des-Champs. C’est n’avoir pas de chance : si le blessé eût été un hérétique, un niguenaud (huguenot) comme on dit dans nos campagnes, on aurait encore pu exploiter ça. Par malheur, le charron était une des meilleures recrues des révérends pères. Sa conversion ne lui a pas porté bonheur.         

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8 août 2021 7 08 /08 /août /2021 11:18

Terrible incendie à Espinasse

 

Du terrible incendie qui s’est déclaré à Espinasse, le 2 juillet 1883, nous ne trouvons pas beaucoup de renseignement dans les journaux de l’époque. Disons que la plus grande partie des articles sont concentrés sur la polémique entre le correspondant du journal Le Moniteur du Puy-de-Dôme à Espinasse et les habitants de Saint-Gervais.

 

Le 5 juillet, le Moniteur publie l’article, en date du 3 juillet, du correspondant de Saint-Gervais :

« Plusieurs habitants du bourg d’Espinasse, canton de Saint-Gervais, viennent d’être victimes d’un terrible incendie. Quinze ménages sont actuellement sans abri. Lé bétail qui se trouvait encore dans les champs n’a pas péri.

Nous avons adressé spécialement des éloges à M. Chabry, maire de la commune d’Espinasse ; M. Gidel, instituteur laïque et aussi à M. Midon, curé de ladite commune.

Tous ces courageux citoyens ont fait preuve de beaucoup de zèle et d’activités.

Le feu a pris naissance dans une écurie, mais la cause de ce sinistre est inconnue. L’incendie a duré toute la nuit et il n’y a pas eu d’accident de personnes. »

 

Le 7 juillet, on peut lire dans le bulletin de la Semaine Religieuse :

« Nos montagnes sont cruellement éprouvées, cette année ; car voici le troisième incendie que la Semaine Religieuse a à enregistrer.

Le bourg d’Espinasse a été le théâtre de ce nouveau malheur qui, par son caractère de gravité presque exceptionnel, a jeté l’effroi dans le cœur des habitants de la paroisse. Dans l’espace d’une nuit, quinze corps de bâtiments ont été la proie des flammes. Malgré des efforts inouïs, rien ou presque n’a pu être sauvé. Quinze ménages se trouvent sans abri et attendent de la charité publique un secours de première nécessité. »

 

Le 8 juillet, en quatre lignes, écrit :

« Le 2 juillet, un incendie a pris naissance, on ne sait comment, dans une écurie en ruines, s’est communiqué aux toitures toutes en chaumes des maisons voisines, dans la commune d’Espinasse. »

 

Le 9 juillet, le Moniteur reprend le courrier de leur correspondant d’Espinasse, toujours à propos du terrible incendie :

« Les gens de Saint-Gervais n’ont pas mis beaucoup d’empressement à secourir ceux d’Espinasse. Il est vrai que ces deux localités sont séparées par 8 kms. Enfin !

Autre chose : MM. Les gendarmes ont fait encore mieux que les fameux carabiniers d’Offenbach ; ils ne sont pas arrivés un quart d’heure trop tard, mais seulement le lendemain.

Puis aussi, il faut ajouter qu’ils n’avaient pas été prévenus officiellement. Mais qu’importe, ils auraient bien pu venir tout de même. »

 

Le 12 juillet, toujours dans le même journal, la réponse de habitants de Saint-Gervais :

« Les gens de Saint-Gervais, que blâme tant votre correspondant d’Espinasse, dans les numéros des 9 et 10 juillet, ont toujours été portés à secourir leurs voisins des communes du canton et ils en ont fait preuve dans maintes circonstances et notamment lors du terrible incendie qui détruisit une partie du bourg de Saint-Priest-des-Champs dans le courant du mois de novembre 1870.

S’ils n’ont pas mis le même empressement à se transporter sur les lieux, ainsi que les gendarmes, s’est qu’ils n’ont été prévenus en aucune façon. Et cela est d’autant plus vrai que nous savons de source certaine que le messager dépêché pars les incendiés a trouvé moyen de se griser en route et d’être parti sans prévenir qui que ce soit. »

 

Le 13 juillet, le maire de Saint-Gervais communique aussi :

« Protestant au nom des habitants et de la gendarmerie, que s’ils n’ont pas porté secours aux incendiés d’Espinasse, c’est qu’ils n’avaient pas été prévenus. »

 

Dans ce même numéro le Moniteur se permet de tirer une conclusion :

« En admettant que l’appréciation de notre correspondant sur les causes de l’abstention des Gervaisiens, gendarme ou non, fût inexacte, nous croyons cependant qu’elle était formulée d’une façon assez discrète pour ne pas soulever les susceptibilités ni les excès de langage auxquels elle a donné lieu d’après ce qu’on nous dit et ce qu’on nous écrit. »

 

Dans son courrier du 9 juillet, le correspondant d’Espinasse va plus loin et envisage même un complot organisé. Si ce qu’il écrit est réel, des gens irresponsables ont pris un très très gros risque. Lisons-le :

« Toujours au sujet de l’incendie d’Espinasse, ajoutons que les maisons incendiées, se trouvant sur une route classée, l’administration va à leur stupéfaction, obliger les incendiés à reculer l’alignement lors de la construction, il serait peut-être bon de rappeler à ces malheureux que l’administration est en plein droit, et voici pourquoi :

Si l’État n’exécute pas les plans d’alignement aussitôt qu’ils sont arrêtés, c’est par un motif d’économie ; car si l’administration voulait exécuter sur le champ des plans d’alignement, elle serait obligée d’exproprier les propriétaires, ce qui entrainerait des dépenses considérables. On obtient le même résultat avec moins de frais, en attendant que la vétusté, ou des causes autres quelconques, un incendie, par exemple, oblige les propriétaires à démolir leurs édifices ; ils sont forcés alors de céder une partie de terrain, moyennant une indemnité qui ne représente plus que la valeur du terrain devenu vacant.

Mais si ces malheureux, qui ont été déjà suffisamment éprouvés par des pertes considérables, sont encore obligés de sacrifier de leur terrain, moyennant une indemnité, il est vrai, mais qui n’excédera certainement pas la valeur réelle du terrain acquis par l’administration. Il ne serait peut-être que juste le Département s’en occupât en lui allouant en sus une somme pour chercher à les indemniser autant que possible des pertes considérables qu’ils viennent de faire. »

 

 

Sources journaux en ligne :

https://www.lectura.plus/4446-la-presse-ancienne-du-puy-de-dome-est-sur-lectura-plus.html

https://www.bibliotheques-clermontmetropole.eu/overnia/

 

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