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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 11:07

L’accusée

            Pauline Montandraud est âgée de 27 ans. N’ayant plus ses parents depuis longtemps, elle a constamment travaillé aux champs. Elle était domestique chez les anciens métayers du domaine de la Goese, les époux Guillain, et est restée avec la nouvelle exploitation.

            Toutes les personnes qui la connaissent sont unanimes à dire qu’elle a un caractère fantasque, presque sauvage, une intelligence peu développée. Petite, mais massive, elle est douée d’une grande force.

            C’est, en un mot, une nature brute, pouvant malheureusement subir facilement une impulsion, soit dans le sens du bien, soit dans le sens du mal.

            Puisque nous parlons du bien qu’elle pouvait faire, nous pouvons citer au moins une action d’éclat à son actif. Il y a trois ans, un incendie grave éclata au bourg de Charensat ; on la vit arriver dès la première heure, monter à une échelle et se tenir au pignon du toit enflammé pour verser des seaux d’eau sur le brasier. Cet acte, certainement digne d’éloges, mais extraordinaire pour une femme, indique précisément un esprit irréfléchi, tout à la fougue du premier mouvement.

            Il y a dans sa conduite d’autres faits aussi bizarres qui montrent mieux encore l’état singulier de son esprit. Elle passait la plupart de ses nuits à parcourir la campagne : dans quel but ? on l’ignore, mais on ne pense pas que ce soit dans un but d’immoralité.

            Ne serait-ce pas au cours de ces promenades nocturnes qu’elle aurait eu des entrevues avec l’auteur des lettres anonymes et aurait pu le renseigner sur ce qui se passait à la Gorse.

            Pauline Montandraud a été longuement interrogée par les magistrats. A toutes les questions qu’on lui a posées, elle a répondu avec sa brusquerie habituelle, qui frise la grossièreté, qu’elle n’était pas coupable.

            Vous me jugerez si vous voulez, disait-elle, vous êtes les maîtres, mais ce n’est pas moi.

            Le procureur a décerné un mandat d’arrêt contre elle et les gendarmes l’ont emmenée à pied jusqu’à Charensat, d’où elle a été conduite en voiture par M. Bouchet, maître d’hôtel à Saint-Gervais, pour être ensuite dirigée sur Manzat et Riom.

            Son arrestation ne semblait lui causer aucune peine ; cependant i y eut un moment où elle fut saisie d’une forte émotion, c’est quand elle dut passer, à Charensat, devant la maison qu’habitent son oncle et sa tante, les seuls parents qui lui restent, et qui ont beaucoup d’affection pour elle.

           

La victime

            Nous sommes allés hier matin au domaine de la Gorse. Après ce que nous avions entendu dire, nous pouvions supposer que la femme Basset serait encore gravement malade et qu’elle était alitée.

            La première personne à qui nous nous sommes adressés, c’était elle-même, debout, travaillant, ne gardant pas, sur sa figure au moins, les traces de la tentative d’empoisonnement dont elle avait été victime.

            « Je souffre encore, nous dit-elle, dans l’estomac et je puis boire que du lait, mais il faut travailler tout de même, maintenant surtout que je suis seule pour faire le ménage ».

            Et la brave femme nous raconte tout au long comment elle fut prise de douleurs.

            Elle souffrit horriblement, au point qu’on la crut perdue et qu’on appela M. l’abbé Roche, vicaire à Charensat, pour lui administrer les derniers sacrements. Grâce aux soins qui lui furent donnés par M. le docteur Jamet, elle se trouva mieux et maintenant son rétablissement complet n’est plus qu’une question de temps.

            Les deux chiens, à qui on avait donné du lait, le meilleur contre-poison en la circonstance, sont également hors d’affaire.

            « Comment, demandons-nous à la femme Basset, pensez-vous que le sulfate de cuivre ait été mis dans votre soupe ?

            Je ne puis pas le savoir, dit-elle, je n’ai rien vu. Il ne serait peut-être pas impossible que, du sac où il se trouvait sur la cheminée, il en soit tombé un morceau dans la marmite, au moment où je trempais ma soupe ».

            La femme Basset nous montre la place où était le sac, car il a été saisi par les magistrats, et nous dit qu’il était percé par endroits.

            Mais elle donne cette explication sans conviction, comme pour parler. Elle semblerait défendre Pauline Montandraud ; en tout cas, elle n’a pas conservé contre la jeune fille la moindre animosité ; elle en fait même l’éloge.

            « C’est, dit-elle, une bonne travailleuse et je n’avais qu’à me louer d’elle ; jamais nous n’avons eu ensemble la moindre difficulté, mais elle a un caractère très bizarre et souvent j’ai remarqué qu’elle paraissait très préoccupée. Un jour, elle m’a dit, il n’y a pas longtemps : « Je serais bien heureuse, si j’étais morte. » J’essayais de la consoler, mais je ne pouvais pas y arriver, parce que je ne connaissais pas la cause de son chagrin. C’était au moment où elle faisait ses sorties pendant la nuit ; j’avais essayé de lui faire quelques petits reproches pour cela, mais elle me fit comprendre que ça ne me regardait pas et comme elle est d’âge à savoir ce qu’elle fait et à agir à sa guise, le l’ai laissé libre.

            La femme Basset nous parle ensuite des lettres anonymes.

            « Sans ces lettres, jamais je n’aurais cru Pauline coupable, j’aurais pensé à un accident.

            Soupçonnez-vous la provenance de ces lettres ?

            Pas du tout, je ne me connais pas d’ennemis et il me semble qu’on ne m’en voulait pas personnellement, ni à mon mari, mais qu’on cherchait simplement à jeter la division dans le personnel du domaine et à me faire partir. Peut-être sont-ce des jaloux qui enviaient notre position, je n’en sais rien.

            Alors, selon vous, Pauline Montandraud aurait obéi à des suggestions étrangères ?

            Je ne puis pas croire que l’idée de commettre ce crime, d’essayer de m’empoisonner lui soit venue ; il a fallu qu’elle fût poussée par quelqu’un. »

            La femme Basset estime qu’au moment où elle a mangé sa soupe, le sulfate de cuivre qu’on y avait mis ne devait pas être complètement fondu, sans cela elle fût morte rapidement, si elle avait mangé la même quantité de soupe.

            La femme Basset, née Françoise Beaufort, est âgée de 34 ans ; elle jouit de l’estime générale et tous ceux qui la connaissent sont vivement affectés du malheur qui l’a frappée.

 

Le mobile du crime – Le vrai coupable

Après tout ce que nous avons dit, nos lecteurs ont eux-mêmes tiré la conclusion.

Le vrai coupable, ce n’est pas Pauline Montandraud. Fille simple, presque sauvage, n’ayant au fond du cœur, on peut le dire, pas plus de haine que de bons sentiments, elle était incapable d’inventer l’épouvantable projet qu’elle a mis à exécution.

Il est vraisemblable que quelqu’un se trouvait derrière elle, ayant une basse vengeance à accomplir, et a guidé sa main. Ce n’était pas difficile de lui inspirer des idées semblables : il suffisait de la prendre par l’amour-propre. On lui eût fait entendre, par exemple, qu’elle avait intérêt à se débarrasser de la femme Basset pour prendre sa place, et la malheureuse n’eût pas hésité à commettre un crime dont elle ne comprenait pas toute l’horreur.

L’auteur des lettres anonymes est évidemment celui qui l’a poussée à cette tentative d’empoisonnement.

C’est celui que la justice recherche déjà. Elle a entre les mains toutes les lettres adressées à la Gorse et il est permis d’espérer que le vrai coupable ne tardera pas à être connu. Le champ des recherches est, du reste, assez limité, car on a remarqué que toutes les lettres avaient été déposées au bureau de poste de Charensat ; il n’y a donc pas à chercher en dehors de la commune.

Ce sera un soulagement d’apprendre que ce triste personnage, qui a conçu froidement et fait exécuter par une main inconsciente un crime dont les conséquences pouvaient être épouvantables, va expier chèrement sa faute.

 

L’avenir du Puy-de-Dôme, journal du 28 juin 1897.

 

En vertu d’une ordonnance de non-lieu de M. le juge d’instruction de Riom, la nommée Pauline Montandraud, qui avait été inculpée d’empoisonnement, vient d’être mise en liberté provisoire.

Ainsi que nous l’avions fait prévoir, il a été impossible d’obtenir un aveu et les charges qui pesaient sur elle, quoique graves, n’étaient pas suffisantes pour la maintenir en prison.

On a, d’autre part, vainement cherché l’auteur des lettres anonymes ; on a fait écrire un grand nombre de personnes pour comparer l’écriture, on n’en a trouvé qu’une dont l’écriture se rapprochât un peu et précisément cette personne ne pouvait pas être soupçonnée.

L’auteur des lettres anonymes a une écriture irrégulière, en fantine, à moins, ce qui est très possible, que cette écriture ne soit pas la sienne et qu’il ait dicté, par exemple, les lettres à un enfant.

 

L’avenir du Puy-de-Dôme, journal du 15 juillet 1897.

           

           

Qui était cette femme BASSET :

 

Françoise Beaufort est née au village du Vernadel, le 18 septembre 1862 ; elle est la fille de Gilbert et de Françoise CAILLOT, tous propriétaires-cultivateurs domiciliés au village du Vernadel. Elle épouse, le 29 avril 1881 à Saint-Priest-des-Champs, Pierre BASSET, né à Chamflux commune de Gouttières, le 23 avril 1861, fils de Gervais, décédé à Gouttières, le 27 avril 1879 et de Françoise GAUVAIN, cultivatrice-colon avec son fils au village de Chamflux.

Le couple BASSET a eu deux enfants nés au Vernadel :

            Pierre François, né le 13 novembre 1881 et décédé le 7 décembre de la même année ;

            Marie, née le 28 septembre 1882.

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