Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 08:35

X. est condamné à mort

La défense obtient du jury la signature d’un recours en grâce

 

Riom, 26 octobre. – Les abords du palais sont beaucoup moins animés ce matin. Le public se réserve pour la grande mise en scène de l’après-midi, qui comportera de longues et pathétiques plaidoiries, puis un verdict solennel, entraînant, peut-être, une condamnation à mort.

Une brève audience (de 9 à 10h.) est consacrée aux dépositions de quelques témoins à décharge.

MM. Champomier, Pailloux, Verdier, Vernadel, Mmes Montroy, Astier, Faure, Martin, ont connu l’accusé à des titres divers.

« X., disent-ils en substance, était de caractère peu sociable, mais assez bon travailleur. Sa réputation, certes, n’est pas sans tache, mais nous n’avons jamais eu à nous plaindre de lui. On peut le considérer comme un esprit faible, non pas comme un imbécile ou un idiot. »

On en termine par la lecture des déclarations écrites de Mme Lescuyer, ex-institutrice :

« Le jeune X. était un enfant anormal. Je n’ai pu lui apprendre à lire ni à écrire. »

 

La casquette d’X.

Sur la demande de M. le Président Tonnadre, le commissaire Buffet déballe et montre aux jurés les pièces à conviction : Un fusil, les vêtement lavés le lendemain du double crime, une semelle de paille et une gravelle où l’on distingue encore des taches de sang.

X., cependant, s’inquiète et se penche vers ses défenseurs :

« Ma casquette ? Qu’est-ce qu’ils ont fait de ma casquette ? Ils m’en ont perdu une déjà !... »

Puis il se confine à nouveau dans son attitude de la veille : Immobilité stricte, apathie, ignorance apparente des choses et des gens qui l’environnent.

En l’absence de M. le docteur Genil-Perrin, dont l’arrivée fut annoncée la veille, l’audience est levée bien avant l’heure du déjeuner.

 

M. le docteur Genil-Perrin

            A 13 heures, tandis qu’au dehors une foule avide de sensations fortes fait le siège en règle des portes d’entrée, la salle d’audience s’emplit aussi complètement que la veille.

            Dans une atmosphère déjà lourde, le public est sage. Si les crimes d’X ; suscitent l’horreur, sa personnalité n’excite nullement les passions ; et c’est très bien ainsi.

            On va entendre M. le docteur Genil-Perrin, dont la déposition est attendue avec une vive curiosité.

            M. le docteur Genil-Perrin, médecin-chef des Asiles d’aliénés du département de la Seine, est le seul qui ait pu se rendre à Riom, parmi les trois experts parisiens commis à l’examen mental de l’accusé.

            Sa venue à la barre donne lieu à une discussion courtoise, au cours de laquelle s’affrontent et se distinguent le témoin et la défense.

            X. est-il un dément, puisqu’aussi bien la question de la démence est posée par l’article 64 du Code pénal ?

            M. le docteur Genil-Perrin s’en explique avec aisance et netteté :

            « X ;, sujet fruste, possède un sens suffisant de la vie pratique. Il n’a point d’idées délirantes ni d’hallucinations, mais un penchant certain à déguiser la vérité, ainsi qu’une perversion instinctive qui précisément l’a conduit au crime.

            Assez intelligent pour connaître que le vol, l’assassinat, l’incendie sont répréhensibles, il est donc pleinement et entièrement responsable des crimes qui lui sont reprochés.

            Me Berthon – L’accusé peut-il être considéré comme un pervers constitutionnel ?

-          Oui, évidemment, mais la perversion conduit au crime. Elle ne l’excuse pas…

-          Sa volonté lui permettait-elle de résister à ses instincts ?

-          Cela n’est plus de la médecine légale ! »

Mais voici Me Robin qui se lève. Une passe d’armes brillante va s’engager, qui conduira l’auditoire sur les chemins ardus de la spéculation philosophique :

Me Robin – Le rapport des éminents experts contient une phrase exprimant la négation de toute débilité mentale chez l’accusé, puis une autre laissant aux juges le soin d’apprécier dans quelle mesure il convient de tenir compte de cette même débilité.

-          Le témoin peut-il expliquer cette contradiction ?

-          Il n’y a pas de contradiction. Nombre d’individus sont des débiles mentaux relatifs. C’est une affaire de conscience ; cela ne se mesure pas. Aussi bien la médecine légale n’est-elle pas une sorcellerie : le bon sens doit régner sur elle.

-          Cette débilité « relative » de l’accusé a-t-elle des origines ? Lesquelles ?

-          Il n’est rien sans cause, rien, dans la matière qui nous occupe, sans origines d’ordre constitutionnel ou d’ordre occasionnel. Mais de telles recherches, si elles peuvent procurer, au laboratoire, une satisfaction de l’esprit, sont d’un intérêt nul au point de vue médico-légal…

-          La psychologie d’X ; résulte-t-elle à la fois de son hérédité et de causes occasionnelles ?

-          C’est probable, mais on en pourrait dire autant de chacun de nous.

 

Et malgré les tentatives de Me Robin, le témoin persiste à affirmer l’intérêt purement spéculatif des considérations où veut l’entraîner la défense :

            « Que souhaite-ton savoir en ce lieu ? – Si l’accusé est responsable ? – Il l’est, j’en ai la conviction.

Me Robin – N’y a-t-il pas une « folie morale », c’est-à-dire une folie perverse, instinctive ?

-          Des mots !

-          N’y a-t-il pas des pervers qui possèdent le sens moral, tandis que certains autres en sont dépourvus ?

-          Et d’abord, qu’appelez-vous « sens moral » ?

 

Me Robin pare victorieusement ce trait et insiste sur le manque total d’affectivité qui caractérise son client. Mais en vain :

« Quand je sais que l’accusé a tué, volé, brûlé, quand son entourage immédiat le tient pour un voleur et un paresseux, je n’ai pas besoin d’examiner son affectivité ni son sens moral. »

 

L’accusation, qui n’a pas bronché, se contente d’enregistrer brièvement ces conclusions dernières, et M ; le docteur Genil-Perrin se retire après avoir salué d’un léger signe de tête son adversaire d’un instant.

L’audience est suspendue à 14 h.

 

Le réquisitoire

            M. l’avocat général Ampoulange, qui s’exprime avec sobriété et qui se tient fort habilement dans le voisinage intellectuel du juré moyen, est un adversaire redoutable pour la défense.

            Dans un réquisitoire très complet, il montre toute l’horreur des crimes commis par X., réfute par avance les arguments qui tendront à prouver son irresponsabilité, même partielle, et demande avec force le châtiment suprême :

            « La loi, dans ses articles 302, 304, 385 et 434, prévoit quatre fois la peine de mort pour le cas dont nous nous occupons. Or, nous sommes tous, ici, les serviteurs de la loi.

            Jugez donc, d’une âme sereine et pour éviter le crime de demain, cet homme qui ne mérite aucune pitié ! »

L’audience est suspendue à 16 heures 10.

 

Me Robin

            A la reprise, le public, qui a pénétré en masse, reflue jusque sur les marches du tribunal. La température est étouffante.

            Me Robin ramasse toute son énergie pour présenter une défense combien difficile.

            Il prononce une plaidoirie toute scientifique et fait appel, non pas à la pitié, mais à la froide raison, dans cette affaire qui, dit-il, n’est pas une affaire désespérée.

            La froide raison, selon l’éminent avocat, montre qu’il faut tenir compte, non seulement de la réalité horrible des faits, mais aussi du drame mental qui s’est joué, le 17 mars au soir, dans la pauvre cervelle de l’accusé.

            Et vingt détails, vingt arguments viennent fortifier cette thèse.

            Le rapport des experts ? C’est un véritable monument d’hérésies pathologiques, encore que M. Genil-Perrin n’ait pu nier l’existence, chez X., d’une perversion constitutionnelle qui ne répond pas à l’idée vulgaire de la folie, mais qui n’en est pas moins de la démence au sens actuel de ce mot.

            « Si, dans chaque cas, il faut tuer la bête sauvage rencontrée sur la route, il n’y a plus pour l’homme que désespérance…

            Messieurs les jurés, nous sollicitons votre indulgence. Votre devoir social n’est pas d’envoyer à l’échafaud un homme moralement diminué. »

 

Me Berthon

            Il est 17 h. 20 quand Me Berthon prend la parole à son tour. Le jeune avocat parle avec une émotion sincère qui porte sur une partie au moins de l’auditoire.

            Se dressant « contre l’opinion déchaînée », il se livre, sur le cas X., à une analyse psychologique où il découvre les causes véritables du forfait : débilité mentale et morale insuffisante à freiner des appétits criminels.

            La bestialité que montra l’accusé vient à l’appui de la thèse ainsi présentée ; certaines réponses faites par X., lors des premiers interrogatoires, sont elles-mêmes marquées du sceau de l’incohérence et de la folie.

            Et Me Berthon évoque, en terminant, mais pour en écarter aussitôt l’épouvantable vision, la sinistre machine de Deibler.

 

« X., qu’avez-vous à dire ? »

            Ce sont donc les travaux forcés à perpétuité que demandent les deux avocats. Les obtiendront-ils ? On ne sait. Le visage des jurés reste impassible.

            L’accusé, qui n’a manifesté aucune émotion pendant le réquisitoire, a changé d’attitude durant les plaidoiries. Les paumes aux yeux, la tête sur les genoux, il s’est tassé, plié en deux, amenuisé au point de disparaître, littéralement, derrière la planche de son box.

            « X., qu’avez-vous à dire ? » interroge le président.

            Sa chevelure ébouriffée surgit brusquement, tels les diables sortant d’une boîte magique et qui effraient si fort les enfantelets.

            Le voici debout. Il ne pleurait pas. Ses yeux sont rouges, mais secs. Il ne sait ou ne veut répondre et fait tourner sa casquette, stupidement, entre ses doigts.

 

Vingt-deux questions

            X., disait l’avocat général, a mérité quatre fois la mort.

            En fait, parmi les 22 questions qui sont posées au jury, la moitié au moins entraîne le châtiment suprême, au cas d’une réponse affirmative sans admission des circonstances atténuantes.

            A 18 h. 35, les débats sont clos et le jury se retire pour délibérer. X. disparait, emmené par ses gardes.

            Dans les couloirs où s’échafaudent des suppositions et où les gens précis se livrent déjà à des pointages, un bruit, incontrôlable, circule bientôt :

            « Les réponses sont affirmatives, à la majorité ; six voix s’opposent à six autres en ce qui concerne les circonstances atténuantes… »

            Ce serait donc la guillotine, puisque, dans ce cas précis, l’accusé ne bénéficie point d’un partage égal entre ses juges. Dans l’anxiété générale, la salle se garnit à nouveau.

 

Le verdict

            A 19 h. 10, le chef du jury fait connaître les réponses : toutes sont affirmatives, en effet, et le verdict est muet sur les circonstances atténuantes.

            Quelques applaudissements, vite réprimés, éclatent dans les rangs du public…

            Dans le silence rétabli, le chef du jury date et signe.

            « Faites entrer l’accusé ! »

            Il paraît, toujours gauche et stupide, puis il s’assied. Les gendarmes doivent le secouer pour qu’il entende debout les 22 « oui » tombant de la bouche du greffier.

            La casquette au menton, il regarde devant lui, fixement, et semble ne pas comprendre quand l’avocat général requiert, selon la formule, « qu’il plaise à la Cour d’appliquer la peine de mort.

            Le président, à nouveau, l’interroge :

            « X., qu’avez-vous à dire sur l’application de la peine ? »

            On entend dans un souffle :

            « Eh bien, tuez-moi… »

            Il a donc compris enfin ? Ce n’est pas sûr, car pendant qu’on l’emmène à nouveau, il demande une cigarette à l’huissier, puis déclare, sur le ton plaisant : « Allons, je vais voir les négresses ! »

            A 19 h. 30, on apprend que sur les instances des défenseurs, tous les jurés ont signé un recours en grâce.

            La délibération commune du jury et de la Cour, quant à l’application de la peine, est assez brève.

            L’audience reprend bientôt, dans un silence lourd d’angoisse, que trouble seule la parole du président.

            X., seul, est assis. Me Rochette de Lempdes, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Riom, remplace les défenseurs qui viennent de se retirer.

            Les attendus défilent, monotones, et nul ne les écoute.

            Puis les articles du code : l’article 12 : « Tout codamné à mort aura la tête tranchée… »

            Celui-là, on l’attendait, mais X. n’a pas tressailli. Il se mouche, longuement.

 

            A 20 heures, c’est la sortie, la ruée vers la place Desaix où s’impatiente déjà une foule énorme.

            X. doit passer là, pour pénétrer dans la maison d’arrêt, où il va revêtir le costume de bure et chausser les sabots des condamnés à mort.

            On veut le voir, une avant-dernière fois, avant l’aube sinistre qui vient d’être promise au bon peuple.

            Mais il ne passe pas, et les badauds de s’émouvoir, sous les lampes éteintes.

            Si, portant. Une petite troupe de gendarmes, longeant les murs à la faveur de l’obscurité, débouche du Pré-Madame après un long détour. Au pas de charge, elle fonce vers la porte à double ventail, qu’entr’ouvre un gardien. Cette proue d’uniformes fend la foule qui n’a pas le temps de se ressaisir et qui oublie même de crier.

            A l’instant que tout disparaît, une injure fuse, cependant :

            « Fumier ! »

            C’est fini. La troisième session des assises est close.

            Elie Cottier

 

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/104– Journal du 17/10/1932

 

Suite et fin de l'article

 

 

Partager cet article
Repost0
10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 11:22

Les assises du Puy-de-Dôme

Marien X., le tortionnaire de Saint-Georges-de-Mons comparaît devant ses juges

 

En dépit d’un soleil automnal dont la gaité dernière incite à la promenade, grande est l’affluence, cet après-midi, sous les vieux murs du Palais de Justice riomois.

On va juger, en effet, Marien X., le sinistre tortionnaire de St-Georges-de-Mons dont nous avons rappelé, récemment, les tristes exploits.

L’évocation de la tragédie du « Château des Bruyères », où périrent de l’horrible façon que l’on sait Mlle Marie Loiseau et Mme veuve Rossignol, l’une et l’autre sexagénaires, attire un important public venu de Riom, de Clermont, de plus loin encore.

Quatre cents curieux et curieuses, cinq cents peut-être, se pressent autour des portes qui donnent accès à l’enceinte des assises. Certains « font queue » depuis une heure. D’autres, plus malins, ou croyant l’être, se faufilent dans les sombres couloirs où circulent des témoins à mines ennuyées, parmi l’envol de larges manches et le ballonnement de robes noires qui signalent à la déférence unanime le passage de MM. Les avocats.

Où entre-t-on ? – Par cette porte que garde un terrible gendarme ? – Par celle-ci, qui baille sur de mystérieuses profondeurs ?

A la vérité, on entre peu, sauf quand on possède un bristol ou quelque puissant personnage inscrivit un précieux sésame.

L’enceinte, cependant est à demi-pleine bien avant l’ouverture de l’audience. Les privilégiés s’asseyent à l’aise et savourent leur triomphe, pendant que les tribunes reçoivent de façon discrète un contenu plus distingué.

Au fond, un remous de casques et de capotes bleues, un hérissement de baïonnettes. La garde s’agite et refoule consciencieusement, jusqu’à l’heure H, toute tentative d’infiltration.

Deux heures. Le barrage cède, les premières vagues pénètrent, puis s’étalent, montent à l’assaut des bancs et des embrasures où s’accrochent des grappes humaines.

Maintenant, le plein est fait. L’inévitable Toto, que tourmente une colique et qui, tout à coup, pousse des hurlements, est aussitôt remplacé par deux midinettes aux bérets coquins. On peut commencer.

Bientôt apparaît la cour. M. l’avocat général Ampoulange a remplacé M ; le substitut Tixier ; Me Robin et Me Berthon prennent place devant X. qui vient de faire son entrée et qu’ils ont la redoutable tâche de défendre.

La constitution du jury ne va pas sans que l’accusation et la défense épuisent intégralement leur droit à récusation. Finalement, le sort appelle auprès de la Cour les douze citoyens qui auront à dire quel doit être le châtiment d’X.. Responsabilité non moins redoutable, et que nombre de ces braves gens éluderaient volontiers sans doute, s’ils le pouvaient.

M. Ferreyrolles est chef du jury.

La lecture de l’acte d’accusation, longue et fastidieuse, n’apprend pas grand-chose à qui que ce soit. Aussi le public ne réagit guère, même à la relation des gestes les plus barbares.

Et pourtant, quand on arrive à la poignée de foin allumée sous la joue de Mlle Loiseau, vivante encore, un vieux juré à moustache grise hoche douloureusement la tête, et, sans comprendre, fixe l’accusé.

Celui-ci, tout au début de l’audience, a inspecté les lieux d’un regard furtif. Pour le quart d’heure, il baisse obstinément les yeux.

L’appel des témoins permet de vérifier que plusieurs manquent, parmi lesquels les trois médecins aliénistes qui examinèrent X., à Paris. L’un d’eux sera là demain.

La défense, qui, précisément, tient l’accusé pour un demi-fou, s’étonne de cette carence. Elle se propose même de discuter pied à pied les conclusions des trois spécialistes admettant l’entière responsabilité d’X.

Me Berthon, en effet, dépose des conclusions tendant au renvoi de l’affaire dans le but d’organiser un supplément d’information, procéder à un nouveau examen mental et examiner le liquide Céphalo-rachidien de l’accusé.

M. Ampoulange demande à la cour de rejeter lesdites conclusions, car sa conviction est faite.

Dans le public, un cri s’élève :

« La tête ! »

Me Robin, à titre de transaction, demande que MM. les docteurs clermontois, Dubois, Guyon et Quiquandon soient entendus le lendemain, à défaut des experts parisiens.

Après une suspension d’audience de dix minutes, la Cour rejette les conclusions de la défense et dit qu’il sera passé outre aux débats.

 

L’interrogatoire

X. est debout pour l’interrogatoire. Une heure durant, il va conserver la même attitude : face au président, le buste légèrement rejeté en arrière, les mains basses et croisées devant lui, comme pour recevoir et supporter le choc de l’épouvantable accusation.

C’est un homme de taille moyenne, au visage inexpressif, à chevelure inculte et abondante.

Il parle d’une petite voix d’enfant, basse et sans timbre.

Va-t-il simuler la folie, comme on l’a annoncé ?

-          Point du tout. Son attitude et ses paroles le montreront tel qu’il est sans doute : un être borné et sans grands moyens mentaux, mais à propos de qui on ne saurait parler de démence.

Il comprend les formes ordinaires du langage, il sait se défendre à sa manière et rectifier certains détails. Un fait, cependant, apparait certain : sa volonté est faible.

C’est ainsi qu’après avoir reconnu tout d’abord l’exactitude de la plupart des points secondaires chronologiquement établis jusqu’au 17 mars à 19h. 30, sauf l’achat du pétrole, il déclare tout à coup avoir gagné sa chambre à cette heure-là, et n’en être sorti que le lendemain.

Va-t-il nier longtemps ? Le président l’admoneste sans brusquerie :

-          « Vous n’avez pas dit cela à l’instruction. Vous vous rappelez bien les résultats de la perquisition, puis vos aveux. Pourquoi revenir là-dessus, maintenant ? N’avez-vous pas pris votre fusil ? »

X. hésite, l’espace d’une seconde ; son visage se crispe. Déjà il est vaincu :

-          « Si.

-          Ne l’avez-vous pas dissimulé dans votre pantalon ?

-          Si.

-          N’êtes-vous pas allé au Château des Bruyères ?

-          Si.

Désormais, c’est fini. Il accepte qu’on relate chacun de ses gestes : Le coup de fusil à travers la vitre, le coup de crosse sur Mme veuve Rossignol, l’étouffement de celle-ci, les tortures infligées à Mlle Loiseau, l’incendie allumé sur les corps, à l’aide de pétrole et de papiers, le vol, le retour à Rochefort, la seconde visite, vers minuit, au brasier qu’il ranime…

Il ne proteste pas ; il ne manifeste pas d’avantage de regrets ni d’émotion. Il est là, atone et sans ressort.

-          « J’ai ouvert la porte. J’ai poussé la demoiselle Loiseau vers le feu. Je l’ai étouffée comme l’autre…

-          Qu’avez-vous fait des valeurs et des billets de banque ?

-          Je ne sais pas.

-          Vous avez prétendu les avoir fait brûler sur les cadavres, mais on n’en a pas retrouvé trace.

-          Je ne sais pas… »

X. a des antécédents fâcheux. L’interrogatoire, à son début, porte sur plusieurs condamnations pour divers vols, dont quelques-uns commis par l’accusé dans sa famille même ou chez des employeurs. Sa réputation est celle d’un paresseux, grand chasseur, dépensier, assez peu recommandable.

Songea-t-il à se munir, peu avant le crime, du pétrole qui devait servir à l’accomplissement de son horrible dessein ? Il le nie, mais un témoin viendra faire le récit de l’achat…

Le président n’a plus de questions à poser.

-          « Qu’avez-vous à dire à MM. les jurés ? »

Pas de réponse. X. se rassied. Me Berthon questionne à son tour :

-          « Qu’étaient les cartouches emportées par l’accusé au Château des Bruyères ? »

X. se méprend :

-          « C’était du zéro. »

Il s’agit de savoir, en réalité, d’où provenaient ces cartouches.

-          « Triphond me les avait prêtées. »

-          Me Berthon – De même pour le briquet qui servit à allumer l’incendie ?

-          Oui.

-          L’accusé savait-il ce que c’est qu’un titre ?

-          Non.

-          Un billet de banque ?

-          Non.

-          Le président- Vous n’en avez jamais eu ?

-          Non.

-          Me Robin – L’accusé avait-il un complice ?

-          Non.

 

Les témoins

Après une brève suspension, l’audience est reprise à 16h. 10 pour l’audition des témoins.

M. Tréphond, brigadier de gendarmerie à Manzat, se présenta à 10 heures, le 18 mars, au Château des Bruyères. Les cadavres brûlaient encore, dégageant une fumée et une odeur épouvantables.

Le 19, il trouva X. réparant, à son domicile, la crosse brisée de son fusil. Il conduisit ensuite l’enquête, en collaboration avec la police mobile.

M. Jean Buffet, commissaire de police mobile, fait une déposition très complète et très intéressante. Il dirigea l’enquête avec une conscience et une rapidité qui lui valent les félicitations de M. Ampoulange.

L’interrogatoire d’Evaux fut laborieux : Treize longues heures au bout desquelles le coupable se décida à parler.

Un « truc » simple vint à bout de toutes ses réticences :

-          « C’est Marie Loiseau qui est morte la première ?

-          Non. C’est la veuve Rossignol ! »

Trop tard pour se ressaisir : La « gaffe » était faite !

X. n’a-t-il rien volé ? M. Buffet pense le contraire, et il dit les résultats de ses recherches quant à la fortune présumée des victimes : 12.000 francs pour l’une, 15.000 pour l’autre, environ.

Le témoin ne croit pas davantage que les titres aient été brûlés. Il se retire après avoir soutenu un assaut livré par la défense autour de certitudes malheureusement inattaquables.

M. le docteur Grasset fait connaître le résultat des deux autopsies auxquelles il se livra le 18 mars.

Chacune des deux victimes périt asphyxiée par étouffement, et non par l’effet de l’incendie. Le coup de feu tiré sur l’une, et le coup de crosse porté au visage de l’autre ne furent pas davantage les causes  immédiates de la mort, bien que les blessures ainsi causées fussent très graves.

Le corps de la veuve Rossignol, réduit en cendres dans sa portion médiane, tomba en trois tronçons quand il fallut le relever. Celui de Mlle Loiseau, était à peu près intact.

Quant à X., qui fut examiné par le témoin il y a 9 ans déjà, à propos d’un vol, il est responsable et répond à la moyenne des gens de sa qualité.

Mme Rossignol, cultivatrice à Mazal, fut la première à découvrir fortuitement le crime. Saisie par une odeur de « graisse brûlée », elle courut prévenir son mari.

M. Rossignol vint aussitôt, ouvrit la porte, recula devant les tourbillons de fumée, puis s’arma de courage et éteignit l’incendie.

Mme veuve Hom fournit quelques renseignements quant à la fortune possible des victimes.

M. Triphond, voisin d’X. et neveu de la veuve Rossignol, prêta effectivement à l’accusé des douilles vides, non pas des cartouches, et ce bien avant le 18 mars.

Le 19, X. lui confia ses impressions :

-          « C’est malheureux, tout de même ! Tu verras que les assassins auront pris le train ou l’auto et qu’on ne les rattrapera pas plus que ceux de Picherande ! »

Mme veuve Triphond, sœur de la veuve Rossignol, explique l’origine de la fortune de celle-ci.

Mme Canneau n’est pas tendre pour X.

« Un joli monsieur ! » avait-elle déclaré à Mlle Loiseau qui cherchait quelqu’un pour bêcher son jardin.

« Plutôt filou qu’idiot ! » ajoute-t-elle aujourd’hui.

M. Gilbert Cercy entendit, le 17 mars, vers 20 heures, le coup de fusil tiré par X. au Château des Bruyères.

- « L’accusé est-il un imbécile ? » demande le président ?

- « Vous parlait-il comme un imbécile ? 

- Comme tout le monde ! »

Le public qui n’en espérait pas tant, s’amuse un peu.

Mlle Mazuel Germaine sut par Mlle Loiseau que l’accusé fut aperçu par trois fois, rôdant autour du Château des Bruyères, au cours des semaines qui précédèrent le crime. C’est elle qui, rapportant les propos de la défunt à ce sujet, permit aux enquêteurs de diriger leurs investigations.

Mme Longchambon Mme veuve X., M. Antoine X., sont les proches parents de l’accusé. La sœur, la mère, ni le frère ne disent rien d’intelligible ou d’intéressant. Leur réserve s’explique, hélas, et l’on n’insiste guère.

Aucun d’eux, en tout état de cause, ne sait s’il y a eu vol, ni où se trouve l’argent.

Antoine X. a écrit à l’un des aliénistes de Paris pour attirer son attention sur les tares et les antécédents médicaux de l’accusé :

-          « Mon frère était comme un « gosse » de 7 ou 8 ans. Il faisait ce qu’on lui commandait, et pas autre chose. Il m’a volé, sans doute, mais des « bricoles » : 1.000 francs… D’ailleurs, il ne volait que s’il y avait des difficultés… »

M. Ampoulange – A plus forte raison quand il fallait tuer deux personnes !

L’audience est levée sur cette réplique.

Demain matin, mercredi, fin de l’audition des témoins, puis, le soir sans doute, réquisitoire, plaidoiries et verdict.

Le rideau est baissé à 19 heures sur le premier acte de cette joute judiciaire dont une tête est l’enjeu.

 

Elie Cottier

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/104– Journal du 16/10/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 07:56

Le drame de St-Georges-de-Mons

 

Le vol est bien le mobile du crime. X. a tué pour s’acheter un fusil.

 

Riom, le 22 mars – Sans désemparer, après l’enquête si rapidement menée par les brigades de police mobile et de gendarmerie, M. Tessèidre, juge d’instruction, a commencé l’instruction de cette sensationnelle affaire. C’est ainsi que, comme nous l’avons dit, dès son arrivée à Riom, l’assassin fut entendu.

            M. Tessèidre tint tout d’abord à féliciter chaudement policiers et gendarmes pour l’œuvre heureusement accomplie en parfaite harmonie. Rappelons que dès samedi soir, M. Tessèidre avait indiqué la piste X. comme étant très intéressante, d’après des renseignements confidentiels qui lui avait été fournis.

 

X. confirme

            L’interrogatoire fut long et minutieux pour que l’inculpé ne put, dans la suite, revenir sur ses aveux et ne prit fin qu’à 20 heures ; après quoi X. fut écroué. M. Tessèidre fit d’abord reconnaitre par l’assassin tout ce qu’il avait avoué aux enquêteurs. Puis, invoquant son intérêt et l’excusant par avance des « oublis involontaires » qu’il avait pu commettre, il l’invita à redire, en les complétant, les péripéties de cette nuit terrible. Mis en confiance, d’ailleurs ramené habilement au fait quand il cherchait à s’en écarter, X. s’enfonça un peu plus en avant dans la voie des aveux. Jusqu’à présent, il est nettement établi que le mobile du crime est le vol et était prémédité.

            « Il voulait, dit-il, faire réparer son fusil. A 4 mètres de la fenêtre, muni d’une carabine et de quatre cartouches, il a voulu tirer sur Mme Binet, « moins sympathique » et c’est involontairement qu’il a atteint au nez Mlle Loiseau, qui s’est frappée sur le côté de la tête en tombant évanouie. Mme Binet, effrayée, veut sortir, mais sur le seuil de la porte, elle se heurte à l’assassin qui, d’un coup de crosse, lui fracasse l’arcade sourcilière et la mâchoire, provoquant ainsi sa chute dans la cuisine, aux côtés de son amie.

            Croyant les deux femmes mortes, X. monte au premier étage, fouille partout pour mettre la main sur l’argent, objet de ses convoitises. Il ne trouve rien et redescend dans la cuisine. Mlle Loiseau a disparu. En hâte, il prend des papiers dans l’armoire de la cuisine et les fait flamber à l’aide de son briquet sur le cadavre de Mme Binet et va à la recherche de sa compagne. La malheureuse agonise derrière la maison, près de la haie. Ne pouvant l’emporter dans la cuisine, il va chercher du foin, l’enflamme et le met sur la tête. Léchée par les flammes, Mlle Loiseau se redresse brusquement. Il l’aide à gagner la porte de la cuisine. Mais devant l’horrible spectacle qui se présente à elle, la malheureuse veut faire demi-tour. D’un coup brusque, X. la pousse dans l’intérieur, près de sa compagne en feu. Puis, fermant la porte derrière lui, il gagne la campagne.

 

L’assassin a-t-il vraiment tué en vain ?

Le juge d’instruction lui a fait préciser qu’il n’avait pas bu avant de commettre son crime et qu’il ne souffrait d’aucune maladie grave. On a remarqué qu’il prétend encore n’avoir rien trouvé comme argent. L’enquête devra élucider ce point. On peut s’étonner en effet qu’il n’ait pas été possible encore de retrouver les économies des deux malheureuses victimes.

            Néanmoins, d’ores et déjà, X. ne peut échapper à un juste châtiment.

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 23/03/1932

 

Le crime de St-Georges-de-Mons

 

A l’interrogatoire : X. a volé les titres et a étouffé ses victimes

 

Riom, le 10 mai – Lundi 9 mars, de 9h. à 12h. 30, M. Tessèidre, juge d’instruction, a longuement interrogé, en présence de Me Berthon, du barreau de Clermont-Ferrand, défenseur du prévenu, X. Marien, 31 ans, cultivateur au hameau de Rochefort, commune de Saint-Georges-de-Mons, l’odieux personnage qui, la nuit du 17 au 18 mars 1932, assassina sauvagement deux femmes vivant ensemble, dans la maison dite « Château des Bruyères », près du hameau de Mazal, commune de St-Georges-de-Mons : Marie Loiseau, 63 ans, et veuve Rossignol, née Binet, 61 ans.

La tâche du magistrat instructeur fut rude et il lui fallut des prodiges de finesse sagace et de bonhomie souriante pour mener son œuvre à bonne fin. Il n’y manqua point ; peut-être est-il quelques points de détail sur lesquels il faudra revenir, mais on peut affirmer que la vérité est dégagée dans ses points essentiels.

Du reste, depuis l’interrogatoire, lors de l’arrestation, ce magistrat n’avait pas voulu pousser à fond ses investigations avant le dépôt des conclusions de M. le docteur Edmond Grasset, médecin légiste, pour n’être pas exposé à battre en retraite par une attaque mal étayée. En effet, à l’autopsie des deux victimes, ce praticien avait été frappé par l’examen du cœur exsangue. Il préleva du sang. L’analyse de ce liquide ne décela aucune trace d’oxyde de carbone, ce qui détruisait la thèse de la mort par asphyxie, qui s’était d’abord imposée à l’esprit. D’autre part, les blessures reçues n’étaient pas suffisantes pour déterminer la mort. Le docteur Edmond Grasset vient de déposer son rapport concluant à la mort par étouffement.

 

Les aveux d’X.

Muni de ces conclusions, M. Tessèidre, après avoir obtenu la confirmation des aveux précédents et des questions sur les origines et la santé du prévenu, obtint les précisions suivantes :

Condamné deux fois pour vol par le tribunal de Riom, en 1920 et en 1923, l’attrait du bien d’autrui parait exercer sur X. une influence assez grande quand il a des difficultés à vaincre pour l’obtenir. Célibataire, possédant quelque avoir, vivant avec sa mère veuve et son frère marié, passionné pour la chasse, posant à l’homme généreux, ses seules dépenses consistaient à acheter du gibier pour ‘la montre » quand il n’en pouvait tuer, à payer largement à boire aux camarades et à se rendre de temps à autre dans des maisons de plaisir à Clermont-Ferrand.

Depuis quelque temps, un fusil de 600 ou 700 francs lui faisait envie, et il ne pouvait disposer de pareille somme.

 

La préméditation

Courant 1930, Marie Loiseau l’employa au bêchage de son jardin. Quelle ne fut pas sa surprise, le dimanche des Rameaux 1931, de le voir à nouveau, sans être commandé, travailler dans son jardin. La pauvre femme le congédia séance tenante.

Quelques semaines avant le crime, trois dimanches consécutifs, il vint rôder autour de la maison des Bruyères. La dernière fois, devant trois jeunes filles, entendues depuis par la police mobile, Marie Loiseau lui dit qu’elle ne voulait point avoir espion autour de chez elle.

Dès le début de février 1932, l’idée de voler l’argent de Marie Loiseau germait dans son esprit et s’ancrait profondément, le rendant nerveux. Le 4 mars 1932, il emprunta quatre cartouches à Triphon, du village de Rochefort, avec lequel il chassait parfois. Le 13 mars, ayant laissé son fusil chez ce dernier, il l’envoya quérir par sa mère.

La préméditation est encore accusée par le fait que le 17 mars, à 18 heures, il a éprouvé le besoin de retirer sa montre de chez l’horloger où elle était en réparation.

 

Assommées, étouffées, brûlées

Les événements se précipitent. Il prend son maigre souper avec les siens, dissimule son fusil dans son pantalon, prend les quatre cartouches et à 20 heures sort et se rend au Château des Bruyères. Placé contre la fenêtre de la cuisine, il voit les deux femmes travaillant autour de la lampe à la confection d’un drap, tire sur la veuve Rossignol, pour laquelle il avait de l’aversion, mais la manque, et atteint Marie Loiseau, qui tombe blessée à côté du fourneau. Terrorisée, la veuve Rossignol se précipite vers la porte pour sortir. L’assassin l’abat, la frappant à la tête avec le canon de son fusil, qui se casse à une ancienne fêlure de la crosse. Croyant les deux femmes mortes, il prend l’escalier extérieur et monte au premier étage, fouille tous les meubles, à la recherche de l’argent, prend une trentaine de mille francs de titres dans une valise rouge, redescend et entend les plaintes de la femme Rossignol. Affolé, et constatant en outre la disparition de Marie Loiseau, qui est sans doute allée le dénoncer, il appuie la bouche de la femme Rossignol contre le sol, jusqu’à l’étouffement, puis dispose sur le corps les titres compromettants, auxquels il met le feu avec son briquet.

Sortant de la cuisine, il entend alors les gémissements d’une autre personne. C’est Marie Loiseau qui, perdant son sang, et cherchant à s’échapper, est venue, à 1m. 50 de la porte, tomber dans la haie. « Il y a du mal, dit l’assassin. – Malheureux, répond faiblement la victime, il y en a déjà bien trop ; tu me le payeras ».

X. essaye de la soulever. Mais, trop faible, il la laisse retomber lourdement  à terre. Il accumule un tas de foin sur la tête de Marie Loiseau et y met le feu. Sous la morsure de la flamme, la malheureuse a un sursaut d’énergie, se relève et cherche à gagner la cuisine. X. la soutient, mais, la porte ouverte, devant l’odeur et le spectacle qui s’offrent à elle, Marie Loiseau résiste. X. la pousse et elle tombe à côté de sa compagne.

L’assassin lui maintient alors la tête à terre, la bouche contre le sol, jusqu’à l’étouffement. Il constate que les papiers des titres, tassés et épais, brûlent lentement. Il prend la lampe qui est sur la table, vide le pétrole qu’elle contient pour arroser les papiers et les corps, ferme la porte et s’enfuit. Il se lave les mains au ruisseau et arrive à 22 heures chez lui, où les siens, le voyant défait, lui demandent ce qu’il a. Il se plaint alors du genou droit et va se coucher vers 23 heures. Mais quand tout le monde est endormi, vers minuit, il se lève doucement, gagne le Château des Bruyères et constate que le papier brûlait trop lentement à son gré. Il fouille tous les coins de la cuisine pour trouver d’autre pétrole, mais c’est en vain. Il ramasse les feuillets éparpillés, les remet sur les cadavres, ferme la porte, enflamme du foin au dehors, de la porte de la cuisine à l’escalier pour supprimer toute trace de sang et rentre chez lui vers 2 heures du matin.

Le lendemain, il va travailler au creusement d’une cave chez Triphon et au repas de midi, comme on parlait de l’assassinat, il dit : « C’est affreux de voir des choses comme ça ; mais on trouvera rien. Les criminels ont dû s’enfuir en auto ou par le chemin de fer. »

Pendant l’interrogatoire, X. ne voulait pas avouer le vol d’argent, alors qu’il faisait beaucoup moins de difficultés à se voir imputer l’assassinat. Pour lui, il semble considérer le premier crime comme étant plus grave que le second.

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 11/05/1932

 

X. va subir un examen mental à Paris

 

            X. Marien, l’assassin du Château des bruyères, commune de Saint-Georges-de-Mons, va être transféré à Paris pour être examiné au point de vue mental par des célébrités médicales : les docteurs Truelle, Toulouse et Génil-Perrin, ces deux derniers directeurs de l’Asile Sainte-Anne.

Rappelons que les docteurs Truelle et Génil-Perrin se sont récemment occupés de l’examen de Gorguloff, l’assassin du président Doumer, avec l’assistance d’un troisième spécialiste, le docteur Roques de Fursac.

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 07/06/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 10:43

Marien X. se défend, nie, puis avoue, se rétracte et avoue encore.

Il était midi lorsque l’interrogatoire commença, à la mairie de Saint-Georges-de-Mons, dans le bureau du secrétariat, sous l’œil bienveillant et le regard souriant de Gaston Doumergue, président de la République. Les lenteurs de l’administration n’ont pas permis encore d’envoyer le portrait du nouveau président à la barbe fleurie. Pendant ce temps, l’inspecteur Delort interrogeait également les frères, sœurs et beau-frère de Marien X.

Une de ses sœurs, mariée à Jeansol, reconnut, après bien des réticences que le premier alibi fourni par elle le matin, était faux. Devant aller à St-Georges-de-Mons, elle s’était rendue chez sa mère, à Rochefort, pour que la distance soit moins longue ; elle avait constaté que son frère Marien s’était absenté de 19h. 30 à 22 heures. Le frère de Marien fit la même déclaration, mais précisa que la durée de l’absence n’excédait pas une heure.

Interrogé sur ce point très important, X. reconnait qu’il s’est bien absenté, mais « ergote » sur le battement.

-          « Oui, je suis sorti pour aller à l’affut du renard, au village de Pichon (Lieu sis à l’opposé du Mazal) ». Comme on lui demande des précisions, il se rétracte et déclare : « Mais je me suis égaré et j’ai décidé de me rendre à la maison de Paille (Maison en ruines, sise à 50 m. du château des Bruyères). Je voulais attendre un beau lièvre qui, disait-on, venait tous les soirs. Chemins faisant, je me suis rapproché de la maison de Mlle Loiseau, mais je n’avais aucune idée de mal faire. »

-          Et ça. Qu’est-ce que c’est ?

A ce moment, les policiers mettent sous les yeux de X. sa veste tachée de saX.ng.  s’en empare et cherche à faire disparaitre les traces en les grattant avec ses ongles. Mais les policiers ne lui en donnent pas le temps.

-          C’est de la peinture, dit-il.

-          Tu as fait de la peinture chez toi, à quel endroit ?

-          Chez moi, oui, c’est-à-dire, chez un voisin.

Marien X. s’embrouille et l’interrogatoire se poursuit ainsi, très ardu, acharné. Mais, peu à peu, on arrive à la scène tragique.

-          Je me suis rapproché de la maison, et j’ai vu, à travers le fenêtre, Mlle Loiseau et Mme Rossignol qui travaillaient à la faible lueur d’une petite lampe. Je les regardais un instant, sans pouvoir les distinguer l’une de l’autre, puis je montais très doucement, sans faire de bruit, sur le palier du premier étage, où je pris du foin. Je suis redescendu et je me suis rendu derrière la maison, où je m’assis un instant. J’ai fumé une cigarette.

-          Tu avais ton fusil ?

-          Oui je l’avais, dissimulé dans une jambe de mon pantalon.

-          Et après ?

-          M’étant levé, je suis revenu devant la maison, et je me suis placé devant la clôture du jardin potager, à sept ou huit mètres. Ayant voulu faire peur aux femmes, j’ai tiré un coup de fusil.

-          En l’air, ou en visant ?

-          Evaux hésite d’abord, puis concède : « Sur la maison. Quelques instants d’après, alors que je m’étais approché de la fenêtre, Mlle Loiseau sortit en gémissant et disparut derrière l’escalier extérieur. Je pénétrais dans la cuisine où Mme Rossignol, atterrée, criait : « Au secours ! à l’assassin ! »

 

La scène du crime

-          Je me précipitais sur elle et, avec le canon de mon fusil, lui portais des coups à la tête. La femme tomba à la renverse, sur le dos. C’est à ce moment que j’ai ramassé de nombreux papiers que je déposais sur le corps de la veuve Rossignol. Prenant du feu dans le petit fourneau-cuisinière, j’allumais les papiers.

-          Vous aviez pris la précaution d’imbiber le corps et les papiers de pétrole ?

-          Non, ce n’est pas vrai ! Il y avait peut-être bien des bouteilles, mais ce n’est pas moi. Je sortis ensuite, cherchant Mlle Loiseau. Elle était derrière la maison, aux pieds de la haie ; elle gémissait. Je lui ai dit : « il y a du mal ? » Elle me répondit : « Malheureux, il y en a bien de trop. Qu’est-ce que tu as fait ? Tu me le paieras ! » M’apercevant que ma victime m’avait reconnu, je décidais de la faire disparaitre. Ayant retourné le corps, je le disposais sur le foin et j’allumais du feu.

Mais sous l’action des flammes qui lui léchaient les mains, les jambes et commençaient de brûler ses vêtements, la pauvre femme eut un sursaut d’énergie. Elle réussit à se redresser et titubant, allait se diriger vers la maison.

-          Je l’aidais. Elle s’appuyait contre la maison, (les traces de sang semblaient l’indiquer) et nous arrivons devant la porte.

Ici, avec un cynisme révoltant, X. ajouta : « Mais ayant sans doute senti l’odeur de brûlé qui provenait de la cuisine, ou alors pressentant un nouveau malheur, ou craignant que je lui fasse encore du mal, arrivée devant la porte, Mlle Loiseau eut un brusque sursaut en arrière. C’est alors que je poussais fortement Mlle Loiseau, qui est allée tomber sur le corps de Mme Rossignol, que des flammes dévorait et j’ai entendu des plaintes.

Je suis monté en hâte dans la chambre du premier étage et j’ai fouillé dans tous les meubles. Mais je n’ai rien trouvé. Je n’ai rien volé. Je vous l’affirme ! »

 

La terrible agonie des deux femmes

« Après des recherches vaines, je redescendis, en passant devant la fenêtre de la cuisine, je regardais par le carreau brisé. Ca brûlait fort, et Mlle Loiseau gémissait, et criait faiblement. » On peut juger de l’effroyable agonie endurée par les deux malheureuse victimes.

Mme veuve Rossignol dut mourir brûlée vive et asphyxiée, tandis que Mlle Loiseau, blessée grièvement à la tête, dut succomber lentement à l’asphyxie. Car dans la petite cuisine, une fumée intense, une odeur exécrable se dégageaient. Combien de temps dura cette agonie ? On ne sait. Mais toute la nuit, le corps de Mme Rossignol se consuma lentement, et c’est pourquoi les premières personnes accourues sur les lieux purent apercevoir des flammes et entendre un grésillement.

 

Le retour dans la nuit

            « Je partis aussitôt par le même chemin et je gagnais ensuite, à travers champs, le sentier qui conduit à Rochefort. A 800 mètres de la maison du crime, j’ai déchargé mon fusil. Mais la douille en carton bleu avait été à moitié arrachée par la décharge. Je jetais le reste et le culot dans les genêts. Un peu plus loin, dans le petit ruisseau qui coule entre Rochefort et Mazal, je me suis lavé les mains et la figure avec mon mouchoir. Je suis rentré directement chez moi, et je me suis couché. Le lendemain, à la nouvelle de la découverte du crime, j’ai voulu aller à la maison du château des bruyères. Mais M. Tréphond m’a dit : « Reste là ! ça ne te regarde pas ». Le matin, j’ai donné mes vêtements à laver à ma mère. »

            Certains s’étonnèrent que la mère, en lavant des effets ensanglantés et en apprenant l’horrible crime, n’ai rien dit. Mais il ne faut pas oublier « qu’une mère est une mère ». C’est un sentiment qui ne s’explique pas. Une mère ne trahit pas son enfant. Une mère aurait peut-être agi autrement, aurait livré son fils à la justice, mais dans une tragédie de Corneille. Ce temps n’est plus.

            L’interrogatoire se poursuivit très longuement et prenait fin hier matin à 4 heures. Il devait reprendre de 10 heures à midi et de 14 heures à 16 heures, pour permettre d’apporter des précisions. Marien X. a passé des aveux. Mais, dans ses définitions, on relève de nombreuses inexactitudes, et si on veut s’en tenir à ses déclarations, on ne voit pas à quels mobiles il a voulu obéir en tuant si sauvagement ces deux pauvres femmes. Le vol ? Il le nie. La vengeance ? Alors ?

 

Marien X.

            L’assassin, Marien X., est un enfant du pays. Né à Saint-Georges-de-Mons, au village de Rochefort, X. est âgé aujourd’hui de xx ans. Il demeure avec sa mère, son frère et sa sœur à Rochefort ; une autre de ses sœurs demeure à Jeansol. Son père est décédé il y a environ deux ans. Il a hérité de sa part, représentant en terre une valeur de 7 à 8.000 francs et en bétail 10 à 15 moutons et deux à trois vaches. Sa famille est aisée et lui n’est point dans le besoin. Il accomplit son service dans l’auxiliaire. Son passé n’est pas sans reproche. Il fut condamné deux fois pour vols, commis à Rochefort, au préjudice de voisins. La première fois à quinze jours d’emprisonnement avec sursis et la seconde fois à 20 jours de la même peine, pour un vol de 300 francs commis au préjudice de Mme Tréphond-Binet. « Elle me le paiera, dit-il, car elle avait simplement perdu son portemonnaie. »

            Cultivateur et journalier, Marien X. allait en journée chez d’autres agriculteurs. C’est ainsi que Mlle Loiseau l’employa une fois, il y a un an, pour bêcher son jardin.

            Il possédait un fusil pour la chasse, mais il avait le désir de faire l’acquisition d’un modèle plus récent. Il prétendait n’avoir pas d’argent. Espérait-il en trouver chez Mlle Loiseau ?

            Nous nous sommes rendus au village de Rochefort. L’habitation de la famille X. semble abandonnée. La porte est close et, sur le seuil, toute la volaille attend, une pâtée et des grains qu’on a oublié de leur donner. Mais on sent qu’on ne vit plus ici. Tout est triste, la honte et le désespoir sont entrés dans la maison. La mère ne comprend plus ; elle est abattue ; elle pleure. Par respect, nous nous éloignons. Les voisins nous confient qu’ils étaient loin de se douter que Marien X. ait pu accomplir un semblable forfait. On n’en revient pas. Un neveu de Mme veuve Rossignol, M. Tryphond, nous dit : « C’est bien le dernier que j’aurai soupçonné, et dire… » - Mais, n’en parlons plus, tout cela est passé. »

 

La reconstitution du drame

A quatre heures du matin, les enquêteurs allèrent prendre un repos bien gagné, tandis que Marien X., qui avait fait des premiers aveux, était conduit à Manzat, dans une chambre de sûreté, à la brigade de gendarmerie. A 7h. 30, les policiers étaient levés et se rendaient au Château des bruyères, tandis que X. était amené sur les lieux.

            Là, en présence de M. Buffet, commissaire de police mobile et de M. Andrieu, juge de paix, Marien X. fit sur les lieux un deuxième récit de la scène tragique et confirma tous ses aveux. Ajoutons que le sac de Mlle Loiseau, qui contenait une petite somme d’argent, fut retrouvé intact, pendu derrière la porte.

 

Les obsèques des victimes

            Après la mise en bière, samedi soir, les cercueils furent transportés au domicile de Mme veuve Binet, au village du Mazal. C’est de là qu’hier matin partit le cortège. Sur une humble charrette, on avait déposé les deux bières. N’avaient-elles pas été unies dans la mort ? Par les chemins de terre, on gagna la route de Saint-Georges-de-Mons et la cérémonie funèbre eut lieu à 9 heures, le deuil était conduit, pour Mlle Loiseau, par tous les membres de la famille Cannaud, et pour Mme veuve Rossignol, par ses neveux.

            L’inhumation eut lieu dans le modeste cimetière de campagne et les corps furent déposés dans les caveaux des familles Tréphond-Binet et Cannaud.

 

Le départ de Saint-Georges au parquet à Riom

            Au cours de la matinée, on sut bien vite à Saint-Georges que l’assassin était arrêté. Et dès lors, de très nombreuses personnes stationnèrent devant la grille de la mairie-école, où X. et les enquêteurs se tenaient. A midi, Evaux mangea de bon appétit et but un bon litre de café.

            Au dehors, les gens ne ménageaient point leurs expressions : « Qu’on nous le donne ici cinq minutes seulement, sur la place. » Un autre de dire : « On le fera brûler à petit feu. » La foule était excitée. Aussi il fallait, pour éviter tout incident, hâter le départ pour Riom et faire en quelque sorte qu’il passât inaperçu. L’auto de la police mobile est avancée, le moteur ronfle. Deux places restent vides dans le fond ; on attend quelques instants. La foule a-t-elle compris. Elle s’approche. Au même moment, d’une petite porte, deux gendarmes apparaissent, encadrant Marien X. Ils franchissent vite le court espace et s’engouffrent dans l’auto. Mais les gens crient : « A mort, l’assassin. » La fureur populaire se donne libre cours et les femmes montrent le poing. Vivement, l’auto démarre et disparait dans un tournant, emportant Marien X. et son lourd destin.

            Il convient de signaler, avant de terminer, l’action efficace des enquêteurs qui surent aboutir si rapidement. Comme nous félicitons M. Buffet, celui-ci nous déclara : « Mais, surtout, précisez bien que j’ai trouvé à Saint-Georges-de-Mons une population accueillante ; que la brigade de gendarmerie a toujours mené l’enquête en étroite collaboration avec nous et, dans l’Est où j’étais avant de venir ici, ce n’était pas toujours cela. Nous avons réussi grâce à une bonne entente. Voilà tout le secret. »

            Le voyage de Saint-Georges-de-Mons à Riom, où Marien X. allait être écroué à la maison d’arrêt, fut rapidement accompli, et nous arrivons bientôt devant le palais de justice. Nous le contournons. Dans les couloirs de l’instruction, alors que M. buffet vient de pénétrer dans le cabinet de M. Teissèdre, juge d’instruction, Marien X. est là, entre deux inspecteurs. Il a l’air hébété ; il a le regard vague. C’est un homme qui ne semble plus avoir conscience de ce qu’il a fait, du crime monstrueux qu’il a accompli.

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 22/03/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 08:50

L’assassin est arrêté et a fait des aveux

Il s’agit d’un cultivateur de la région, Marien X., âgé de trente et un ans, du village de Rochefort.

 

Hier matin, nous avions écrit que « les policiers avaient procédé à de nombreuses investigations à Saint-Georges-de-Mons et dans les villages voisins. D’autres part, deux pistes sont suivies actuellement » et nous ajoutions que pour ne point gêner l’action des enquêteurs, nous devions borner à ces quelques lignes le résumé de la journée. Et nous avions de solides et bonnes raisons d’agir ainsi. Certes, nous savions bien que les policiers avaient invité, dimanche matin, « un témoin » à venir donner quelques explications sur ses faits et gestes la veille du double et horrible crime de la maison des Bruyères. Nous savions que ses explications étaient fort longues et menaçaient de se prolonger encore plusieurs heures. En effet, l’entretien dura plus de douze heures. Commencé dimanche, à midi, l’interrogatoire « du témoin » ne prit fin qu’au cours de la nuit de dimanche à lundi, à quatre heures. Mais, à ce moment, M. le commissaire de police mobile Buffet emportait dans sa serviette les aveux signés de l’assassin. Après quelques heures très brèves de repos, les enquêteurs se rendaient au château des Bruyères et procédaient, avec le sinistre meurtrier, à la reconstitution de la scène tragique du jeudi soir. Cette nouvelle procédure permit de faire préciser les aveux du criminel. Dès lors, l’affaire était terminée. Le « témoin » devenait un inculpé, inculpé d’un double crime, qui dépasse toute l’imagination, en horreur, en cruauté, de sauvagerie. Et il ne restait plus qu’à le remettre entre les mains du juge d’instruction, M. Teissèdre, de Riom, chargé de l’information de cette retentissante affaire judiciaire.

Toute une vaillante population, si douloureusement émue et frappée, accueillit avec un grand soulagement la nouvelle de l’arrestation de l’assassin. « Lui…, ce n’est pas possible ! » Telles furent les nombreuses exclamations qui saluèrent l’annonce de l’arrestation. Mais l’indignation soulevée par la découverte du crime, un instant apaisée, reprit bien vite le dessus et, à sa sortie de la cour de la mairie de St-Georges-de-Mons, lors du départ pour Riom, l’assassin fut salué par des cris de vengeance et de vive colère.

Tous ceux que nous avons vu hier tinrent à nous dire avec quel zèle policiers et gendarmes s’étaient employés pendant trois jours à la découverte du coupable et, si des sentiments de haine étaient dans leur cœur pour l’assassin, il y avait place aussi pour de vifs et généreux sentiments de gratitude, de profonde reconnaissance pour ceux qui avaient « si bien travaillé ». Et l’expression si sincère, en sa grande simplicité, de tels sentiments, n’est-elle pas la meilleure et la plus douce des récompense pour tous ceux qui contribuèrent à l’heureuse conclusion de l’enquête.

 

Des témoignages intéressants

Nous avions laissé samedi les enquêteurs à la maison du crime. On venait de procéder à la mise en bière des cadavres des malheureuses victimes et les scellés venaient d’être apposés sur la maison. Les policiers recueillirent, avant de terminer leur journée, neuf témoignages, et quelques-uns d’entre eux étaient forts intéressants. Ils devaient permettre d’aiguiller l’enquête sur une piste sérieuse.

Le 9 mars dernier, Mlle Loiseau avait déclaré et confié à des voisins du village de Mazal que depuis trois dimanches consécutifs, elle avait vu rôder autour de sa maison, un homme qu’elle connaissait bien. « C’était le Marien, de Rochefort. » Le troisième dimanche, excédée, Mlle Loiseau aurait déclaré à l’individu : »Allez-vous en ! Je n’ai pas besoin d’espion autour de ma maison ! » Ces paroles furent rapportées aux enquêteurs par trois témoins. Et aussitôt, on ne peut s’empêcher d’établir un rapport entre ces déclarations et les traces de pas retrouvées vendredi matin.

Mais il ne fallait point brusquer les faits. Un ordre de bataille fut établi pour le lendemain. Avant de livrer l’assaut, il fallait s’entourer de toutes les précautions. Dimanche matin, on contrôla divers renseignements ; déjà les mailles du filet se resserraient autour de « Marien ». Il était dix heures, lorsque les enquêteurs se rendirent au village de Rochefort.

 

Un premier interrogatoire

-          Où habite le fils Marien X. ?

-          La deuxième maison en entrant dans le village ; elle est située à droite de la fontaine.

Les policiers arrivèrent bientôt à la maison indiquée et, au premier contact, l’impression fut mauvaise :

-          Que faisais-tu jeudi soir, à la veillée ?

-          Je ne suis pas sorti. Je n’ai rien fait. Je suis allé me coucher de bonne heure.

-          Mais alors, ton père, tes sœurs et ton beau-frère que nous avons interrogés ce matin nous ont déclaré que tu avais cassé et trié des noix avec eux.

A ce premier argument, X. baissa la tête et fit une réponse évasive, qui se perdit dans ses lèvres. On remarqua que le cultivateur ne portait pas les mêmes habits que ceux donnés par le signalement. On avait appris, de plus, que la mère avait fait la lessive le vendredi matin, et que le linge n’avait pas été étendu à l’extérieur, dans le jardin, comme à l’habitude, lorsqu’il fait beau.

Une perquisition fut opérée au domicile d’X, et les enquêteurs trouvèrent à l’intérieur de la cuisine, étendus et séchant sur un fil, un pantalon, des mouchoirs, une chemise, un gilet et des chaussettes. Dans une pièce voisine, une veste, portant sur le devant des traces noirâtres, du sang, fut découverte. On trouva également un fusil, nettoyé récemment et dont la crosse, cassée depuis plusieurs mois, avait été réparée ; mais on remarqua qu’une fraîche réparation venait d’être faite.

-          Quel jour avais-tu ces habits ?

-          Jeudi, puis, comme ils étaient sales, je les ai donnés à la mère pour les faire laver.

Mais toutes ses explications ne donnèrent point satisfaction aux enquêteurs, qui repartirent à Saint-Georges-de-Mons à midi, emmenant avec eux Marien X et en emportant les objets saisis.

 

Jean DANILO

 

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 22/03/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 10:35

L’horrible crime de Saint-Georges-de Mons

 

Le parquet a poursuivi hier son enquête sur les lieux.

 

L’autopsie des victimes a permis d’intéressantes constatations.

           

           La maison du Château des Bruyères La nouvelle de la tragédie sanglante et horrible de la maison du château des Bruyères a jeté, dès qu’elle fut connue, la plus vive consternation et a soulevé une très grande et indicible émotion. Les circonstances tragiques qui entourèrent la mort de Mlle Marie Loiseau et de Mme veuve Rossignol, firent l’objet de toutes les conversations, et nombreux furent hier, pendant toute la journée, les habitants des villages voisins, des hameaux de la commune et même du canton de Manzat, qui accomplirent le douloureux pèlerinage à la maison du château des Bruyères. Mais ils se heurtèrent à la consigne des gendarmes qui les empêchaient d’approcher et ils durent se contenter de stationner dans un champ voisin, contemplant une haie touffue, derrière laquelle « il se passait quelque chose ».

            Ce « quelque chose », s’était la double autopsie pratiquée par le docteur Grasset, médecin légiste à Riom. Cette opération devait permettre de faire des constatations très intéressantes ; intéressante au plus haut point, et qui allaient détruire les thèses étayées jusqu’ici.

 

Les victimes sont mortes asphyxiées

 Les-victimes.jpg

            Le docteur Grasset examina d’abord les restes de Mme veuve Rossignol. De ce qui restait de la cage thoracique, le praticien put extraire les poumons. Cet examen allait permettre de relever des tâches, dites « tâches de Tardieu », qui dénotaient que la victime avait succombé à l’asphyxie. Mais auparavant Mme veuve Rossignol avait été assommée à l’aide d’une matraque ou d’une crosse de fusil. Elle ne fut point atteinte par la décharge du fusil.

            Par contre, Mlle Loiseau fut blessée à la tête par la décharge ; on retrouva des plombs dans la région du maxillaire supérieur et de l’orbite gauche. Trois autres plombs furent également retrouvés dans la langue, tandis que trois ou quatre autres traversèrent le nez pour aller se loger dans la porte d'un buffet ou dans une boite en carton. Bien que cette décharge ait fracassé le maxillaire et l’orbite, la blessure n’était point mortelle ; tel est l’avis du médecin légiste. On ne retrouve aucune trace de coup.

            Sur les poumons on relève des taches rose encore plus nettes, qui démontrent péremptoirement que Mlle Loiseau fut asphyxiée elle aussi et qu’il faut chercher ici la cause de la mort. Comme on le voit, les conclusions du médecin légiste renversent toutes les suppositions établies jusqu’ici.

 

Comment le drame s’est-il déroulé ?

 

            On se perd alors en conjonctures sur les circonstances du drame. Il devait être 20 heures, puisque l’examen des viscères de Mlle Loiseau a démontré que la victime avait mangé depuis une heure environ.

Les deux femmes sont installées au bord d’une petite table et travaillent. L’assassin, à la faveur de la nuit, s’approche et épie ses victimes un moment. Puis, très près d’un des carreaux, il tire ; la décharge atteint Mlle Loiseau et produit dans la cuisine une très forte détonation. Blessée, n’ayant peut-être plus le contrôle de ses facultés, Mlle Loiseau veut fuir. Elle sort et, contournant sa maison, elle va s’abattre, prise d’un évanouissement ou d’une syncope, près de la haie de clôture. On peut suivre sa trace, des gouttes de sang s’étant écoulées de sa blessure.

Pendant ce temps, après un instant de flottement, l’assassin se ressaisit et pénètre dans la cuisine, où il trouve Mme veuve Rossignol ; ne voulant point peut-être tire une deuxième cartouche, il se précipite sur sa victime et l’assomme. Ensuite, l’assassin cherche Mlle Loiseau et la trouve inerte sur le sol. Il pense l’avoir tuée. Peut-être eut-il l’idée alors de faire brûler le cadavre, ce qui expliquerait la présence d’un foyer. Il retourne dans la cuisine où il va se livrer à la même et sinistre besogne. Mais, au dehors, le feu n’a pas voulu prendre. Il saisit sa victime, qui devait respirer encore et la transporte alors dans la cuisine, à côté du corps de Mme Rossignol. Puis, le monstre, fouillant tous les meubles, s’empare de l’argent et des titres. Pourtant, il négligea une petite boîte qui contenait des pièces d’argent. En redescendant, il dut arroser de pétrole le corps de Mme Rossignol pour entretenir le foyer, et il s’enfuit. Mais, répétons-le bien, ce ne sont là que des suppositions.

Toute la nuit, et ceci est confirmé par les déclarations du médecin légiste, le corps de Mme Rossignol se consuma très lentement, et le foyer dégageait une très épaisse fumée, qui provoqua l’asphyxie. Aussi il est permis de dire que les deux femmes durent avoir une terrible et douloureuse agonie.

 

L’enquête

 

            Dès vendredi soir, à 21 heures, la police mobile de la 6e brigade de Clermont-Ferrand, arriva sur les lieux. M. le commissaire de police mobile Buffet prit alors en main l’enquête, assisté des inspecteurs Delort, Tufféry et Cambacédès. Les meubles furent visités, mais malgré toutes les recherches il n’a pas été possible de retrouver les économies et titres des deux victimes. D’autres constations intéressantes furent faites, mais nous devons les passer sous silence pour l’instant.

            Au début de l’après-midi, le Parquet de Riom revint au « Château des Bruyères », tandis que le capitaine Glandut était revenu dès les premières heures de la matinée. Les résultats des autopsies étant connus, l’enquête se poursuivra maintenant très activement. Comme nous le disions hier, la tâche des enquêteurs est rude, mais nous avons causé longuement hier dans le pays et tous ceux que nous avons approché n’ont point hésité à nous déclarer qu’il s’agissait « d’un crime local ».

            Tout est là et nous voulons espérer que bientôt le voile du mystère du « Château des Bruyères » sera déchiré.

            Nous n’en dirons pas plus aujourd’hui.

 

Jean Danilo

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 20/03/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 10:00

Le vol, mobile du crime

            On ne possède aucune donnée sérieuse sur la scène du drame. L’habitation étant éloignée, le meurtrier pouvait agir en toute tranquillité. Les gens, la nuit venue, ne sortent pas à la campagne. Il dut se rendre au premier étage et fouiller les meubles pour s’emparer de l’argent. Mais notons qu’il ne s’agit pas d’un grand désordre. Le bandit semble avoir cherché « le magot » à coup sûr, là, dans l’armoire, dans cette petite mallette qui fut laissée sur une chaise, vidée de son précieux contenu. On croit donc que le vol est le mobile de ce crime crapuleux. On ne peut l’affirmer, car rien n’a été touché avant les constatations techniques qui seront faites ce matin par les services de la police mobile de Clermont-Ferrand.

            Mais on se demande pour quelle raison le criminel a tenté de faire brûler les cadavres. Faire disparaître toutes traces de son crime. Mais alors, pour ce faire, il n’avait qu’à allumer un incendie. On ne s’explique pas les mobiles qui l’ont poussé à s’acharner ainsi sur les deux cadavres.

            Le crime a dû se dérouler vraisemblablement jeudi soir, vers 20 heures. M. Gilbert Sercy, cultivateur à Lafond, qui était dans son écurie, occupé au pansage de ses bêtes, entendit une détonation. En ayant fait la réflexion à sa femme, celle-ci lui répondit : « Penses-tu, un coup de fusil si tard. C’est la porte du voisin qui a claqué. » Un peu plus tard, vers 23 heures, M. Lucien Guillot, de Lafond, qui rentrait de voyage et effectuait à pied le trajet de Gouzet à Lafond, aperçut dans la direction de Mazal, les lueurs d’un feu. Etait-ce le foyer allumé par l’assassin, pour tenter de détruire le cadavre de Mlle Loiseau ? On ne sait, où alors était-ce simplement un feu de détritus, de mauvaises herbes, de débris de ronces, de brousailles, de haies, allumé par un paysan qui avait procédé aus opérations d’écobuage de son champ, car c’est actuellement l’époque ? Peut-être.

            Mais on se demande comment le feu pouvait encore couver ce matin, à 9 heures, dans la cuisine. L’assassin avait dû déverser du pétrole, de l’huile, sur le cadavre et une bouteille pleine et intacte fut retrouvée tout près, dans la cuisine.

 

Des traces de pas

            Aux abords immédiats de la maison du crime, les gendarmes relevèrent des traces de pied, sans sabot, et il est possible de discerner le dessin des mailles d’une chaussette ou d’un bas. Ces traces étaient très visibles le matin, par suite de la gelée blanche. Plus loin, on retrouva des traces de sabots, non ferrés, traces qui semblaient venir de la campagne, en direction du village de Rochefort, vers la maison de Mlle Loiseau. Un peu plus loin, dans le sens contraire alors, on retrouve des nouvelles traces de pieds, sans sabot. Ainsi on peut refaire un circuit, circuit qui aurait peut-être été suivi par le monstrueux criminel.

 

Le parquet de Riom sur les lieux

            Dans le courant de l’après-midi, le parquet de Riom arriva à la maison des Bruyères. Il était composé de M. Gillet d’Auriac de Brom, procureur de la République, M. Teissèdre, juge d’instruction, récemment nommé et installé, de M. Theuil, greffier d’instruction. Il avait été précédé par M. le capitaine Glandut, commandant la section de l’arrondissement de Riom, qui avait été conduit par le gendarme Capou.

            M. le docteur Grasset, médecin légiste, arriva peu après, mais après un examen rapide des cadavres, par suite de l’heure tardive et du peu de commodité des lieux, remit à ce matin l’autopsie des victimes, après que les photographies auront été prises par les services de la police mobile. M. Teissèdre entendit plusieurs dépositions, notamment celles de M. et Mme Rossignol-Rougier, de M. Cercy, de M. Guillot et de Mme veuve Tréfond-Binet, sœur d’une des victimes, et de quelques parents éloignés de Mme veuve Rossignol. Une automobile servit de cabinet d’instruction sur la lande déserte.

            Au soir de cette première journée, on emportait la vision de l’horrible spectacle de la cuisine du crime. Par les sentiers, nous regagnons les voitures. Nous croisons des groupes où on parle tout bas. On chuchotte, les femmes pleurent, gémissent. Les hommes restent silencieux, ou alors prononcent quelques paroles pour énoncer une hypothèse. Découvrira-t-on le coupable ? Il faut bien l’espérer, car un tel crime ne peut rester impuni. Mais la tâche est rude, ardue. Est-ce un crime crapuleux, commis par une brute assoiffée d’argent ; ou alors, est-ce un crime d’intérêt ? Nous ne savons.

Jean Danilo

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 19/03/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
25 novembre 2011 5 25 /11 /novembre /2011 08:30

Un horrible drame à Saint-Georges-de-Mons

 

Deux femmes sont sauvagement assassinées

L’auteur de ce crime monstrueux tente de faire brûler les cadavres de ses victimes – Le vol doit-être le mobile de cet abominable forfait – On ne possède aucun indice permettant d’aiguiller les recherches.

 

L’année 1932 sera-t-elle, tout comme l’année 1928, de fameuse mémoire, une année sanglante. Verra-t-elle une inquiétante et terrible recrudescence de la criminalité dans le département du Puy-de-Dôme ? Tout jusqu’ici, permet d’en faire le sinistre présage. A peine commencée, aux premiers jours de janvier, c’est le drame de l’auberge sanglante des Vaissettes, à Picherande ; puis, un peu plus tard, c’est le drame de Combronde. Plus près de nous, au début de mars, c’est la fusillade de la rue Niel, à Clermont. Trois drames, cinq victimes et une personne très grièvement blessée, tel était le malheureux bilan de ce premier trimestre, qui n’est pas encore terminé, de l’année 1932. On pouvait cependant espérer que la liste allait s’arrêter là ; l’opinion publique était déjà vivement émue et cette émotion était augmentée du fait que l’auteur du drame de Picherande n’était pas identifié et arrêté.

Ces jours derniers, on apprenait que l’assassin de Roche-d’Agoux, Jules Beauvilliers qui, malgré qu’il ait tué son grand-père, sa tante et sa cousine, avec une extrême sauvagerie, avait échappé à l’échafaud, s’était évadé du bagne où il expiait, expiation trop douce, son horrible forfait. Cette évasion, signalée par une laconique dépêche, contenant une liste de 28 bagnards, qui avaient réussi à prendre « la belle » remettait en actualité le crime de Roche-d’Agoux, resté célèbre dans toute la région de la montagne de Riom et aussi dans le département.

Est-ce le hasard, le destin, la fatalité, qui ont voulu, que cette même région soit encore le théâtre d’une nouvelle et sinistre tragédie, qui laisse bien loin derrière elle en sauvagerie, en cruauté, le drame de Roche-d’Agoux et de Picherande. Deux femmes qui vivaient seules dans une humble maison de campagne, au hameau de Mazal, commune de St-Georges-de-Mons, ont été, au cours de la nuit de jeudi à vendredi, assassinées sauvagement, et, son crime accompli, le bandit a tenté, obéissant à on ne sait quels mobiles, de faire disparaître les cadavres de ses victimes en les faisant brûler. Mais cette répugnante et sinistre besogne ne fut point terminée et le monstre, après avoir fouillé tous les meubles et s’être vraisemblablement emparé des économies des deux femmes, s’enfuit à travers  la campagne, ayant sa retraite favorisée par la complicité de la nuit profonde.

Une vision macabre s’offrit à ceux qui eurent la douloureuse surprise de découvrir le crime et tous ceux qui ont été appelés hier sur les lieux garderont longtemps le souvenir de cette petite cuisine où, sur le sol gisaient deux corps inertes, l’un à moitié carbonisé.

L’enquête ouverte dès le milieu de la matinée, et menée très activement, n’avait pas permis, en fin de journée, de réunir un faisceau de présomptions permettant d’aiguiller sur une piste sérieuse les recherches de l’information judiciaire. Espérons que cette deuxième journée, qui s’annonce excessivement chargée pour les enquêteurs, permettra de trouver la clef de cette nouvelle tragédie et que bientôt, l’assassin – le mot n’est pas assez fort pour qualifier un tel forfait – sera arrêté et attendra dans l’angoisse l’heure de l’expiation, un matin, par une aube sale, une aube d’exécution.

Et maintenant, nous allons essayer de fixer pour nos lecteurs, les circonstances du drame.

 

Au château des Bruyères

Il y a très longtemps, s’élevait, sur la commune de Saint-Georges-de-Mons, près du hameau de Mazal, à 400 mètres environ, le château des Bruyères. De cette résidence, ne subsistent aujourd’hui qu’une vieille tour en ruine et démantelée, et des fondations où un abreuvoir-lavoir a été édifié par la suite. Non loin de ces ruines, il y a une trentaine d’années, des cultivateurs édifièrent une petite maison, et bientôt les gens du pays donnèrent la dénomination de Château des Bruyères à la nouvelle construction.

Il y a six ans environ, la maison fut vendue à Mlle Marie Loiseau, âgée de 63 ans, qui demeurait alors à Paris. Enfant de l’Assistance publique de Paris, Mlle Marie Loiseau avait été élevée par des cultivateurs de Mazal, les époux Rossignol. Puis à l’âge de 13 ans, elle quitta ses parents nourriciers et fut placée. Mais Marie Loiseau revenait tous les ans passer quelques jours dans le pays où elle avait vécu son enfance. Elle resta plusieurs années domestique chez une vieille dame, à Paris, et c’est dans le courant de l’année 1926 qu’elle songea à venir se reposer, ayant amassé quelques économies. C’est alors qu’elle fit l’acquisition du « Château des Bruyères », propriété composée de la maison, d’un jardin et d’un petit lopin de terre.

Agée de 63 ans, elle vivait là une existence paisible, et pour arrondir le montant de ses ressources, elle prenait chez-elle des travaux de couture ou de tricotage et allait deux ou trois fois par semaines à Manzat donner « un coup de main » pour le ménage à des commerçants de la localité. Elle avait au hameau de Mazal des voisins avec qui elle était très liée, notamment Mme veuve Rossignol-Binet, qui était une de ses amies d’enfance. Mme Marguerite Binet, veuve Rossignol, âgée de 61 ans, née en novembre 1870 au village de Mazal, avait perdu son mari, au début des hostilités, en 1914. Depuis, elle était restée chez son frère, cultivateur à Mazal, et sa sœur habitait le village voisin de Rochefort, toujours situé sur la commune de St-Georges-de-Mons. Il y a trois nas, M. Binet décéda et on « régla les affaires » de famille. La veuve Rossignol vendit ce qui lui revenait et continua d’habiter avec sa belle-sœur, à Mazal.

            Vers la Saint-Martin, au cours de l’automne dernier, Mlle Marie Loiseau proposa à la veuve Rossignol de venir habiter avec elle. Elle accepta et vint bientôt partager l’humble et paisible existence de sa camarade d’enfance Marie Loiseau. On savait dans le pays que les deux femmes avaient par devers elles « quelque argent », vingt à trente mille francs, disait-on, en bons titres ou en beaux billets bleus. En un mot, elles n’étaient point dans le besoin, d’autant plus que la veuve Rossignol était titulaire d’une pension de veuve de guerre.

            « Dis à la Marie Loiseau de se dépêcher »

Rien ne laissait présager le drame, brutal et horrible. On ne connaissait point d’ennemis aux deux femmes. Pourtant, des voisins leur disaient à plusieurs reprises : « Vous n’^tes pas peureuses, les femmes ; vivre ainsi toutes seules dans le Château des Bruyères. » En effet, la maison de Mlle Loiseau est éloignée de 400 mètres du hameau de Mazal, situé en contre-bas ; puis le plus proche village ensuite est celui de Lafond, situé à un kilomètre, sur le côteau d’un autre vallon. En face, à trois kilomètres, le village de Rochefort.

            Hier matin, à 8 h. 15, Mme Marie Rougier, épouse Rossignol, cultivatrice à Mazal, s’était rendue à Manzat. Passant devant le magasin de M. Cannaud, coquetier, elle s’entendit appeler par le jeune fils Cannaud, qui lui dit : « Vous passez au Château des Bruyères ; voulez-vous dire à Mlle Marie Loiseau de venir bien vite, autrement je ne peux pas aller en classe. » En effet, tous les vendredis matin, les époux Cannaud s’absentent pour suivre les marchés et s’approvisionner. Ils demandaient à Mlle Loiseau de venir tenir leur magasin et faire leur ménage.

            Hier matin, il était 8 h. 15, et Mlle Loiseau n’était pas là, elle qui était si ponctuelle.

            Mme Rossignol-Rougier quitta aussitôt Manzat et, par des chemins de traverse et des sentiers, elle arriva à Mazal et se rendit au Château des Bruyères. A une certaine distance, elle sentit une très forte odeur de brûlé, puis arrivant devant la maison, elle aperçut qu’un des carreaux de l’unique fenêtre de la cuisine était brisé. Une fumée s’échappait de la pièce. Inquiète, Mme Rossignol-Rougier voulut se rendre compte.

            Passant son bras par le carreau brisé, elle fit jouer l’espagnolette de la fenêtre et poussa. Mais une fumée très intense, une odeur très forte, qui prenait à la gorge, s’échappèrent de la cuisine. Mme Rossignol entendit un grésillement, comme quelque chose qui brûlait.

            En proie à la plus vive émotion, ne cherchant plus à comprendre, elle se rendit en hâte au hameau de Mazal, où elle prévint son mari et les voisins, qui tous accoururent bien vite à la maison des Bruyères.

            Les hommes montèrent par l’escalier extérieur, dans l’unique pièce du premier étage, qui était la chambre à coucher des deux femmes. Mais les deux lits étaient vide, les meubles ouverts avaient été fouillés. Le drame apparut alors.

Une horrible vision

            En bas, Mme Rossignol avait réussi à ouvrir la porte ; sur le seuil, se trouvait un drap de lit neuf, qui venait d’être façonné. La cultivatrice aperçut alors, malgré la fumée, deux corps qui gisaient à terre ; l’un d’eux était consumé par un feu qui semblait couver lentement. Devant cette vision d’horreur, Mme Rossignol recula. Son mari, saisissant un seau, alla chercher de l’eau au lavoir tout proche et en jeta le contenu sur le cadavre d’une des victimes. Une odeur de chair brûlée, calcinée, de pétrole, d’huile, une odeur indéfinissable, pénétrante, régnait dans la cuisine et aux alentours.

            La fumée s’étant complètement dissipée, les premiers témoins aperçurent alors le corps à moitié calciné de Mme Rossignol, il ne restait que le haut du tronc et les deux jambes. A côté, la face tournée contre terre, se trouvait le corps de Mlle marie Loiseau, qui avait était atteint superficiellement par le feu. A la tête, les deux victimes portaient d’horribles blessures. Près des victimes, se trouvaient des lunettes, un bas tricoté avec des aiguilles et des débris de bouteilles.

            L’alarme fut bientôt donnée et Me Hom, notaire, maire de St-Georges-de-Mons, alerta la brigade de gendarmerie de Manzat, qui ne tarda pas à arriver sur les lieux.

Les premières constatations

            Dès 10 h. 30, le maréchal des logis-chef Tréfond, commandant la brigade de Manzat, et les gendarmes Charrier, Barnet, Damade et Peyrat, commencèrent leurs premières constatations. Ils furent rejoints sur les lieux du crime par M. Andrieux, juge de paix de Manzat, et M. Chabrol, greffier. Le docteur Bertrand, de Saint-Georges-de-Mons, examina les cadavres, mais ne voulant rien déranger dans l’état des lieux avant l’arrivée du parquet de Riom, ne put dire de quelle façon les deux malheureuses femmes avaient été tuées. Cependant, il indiqua que le bandit avait dû s’acharner à vouloir faire brûler le cadavre d’une de ses victimes, car même un corps imbibé de pétrole ne se serait pas, dit-il, consumé de cette façon. En effet, du bassin, du ventre et des cuisses, il ne subsiste rien que des débris calcinés.

            Les gendarmes se livrèrent, d’une façon très intelligente, à une série de constatations. Un des carreaux de la fenêtre était brisé. A la même hauteur, sur un meuble situé en face, on relève des traces de plombs.

            Mlle Loiseau et Mme Rossignol devaient veiller et faire quelques travaux de couture. Par la fenêtre qui n’a pas de volets, on pouvait facilement les voir, travaillant à la faible lueur d’une petite lampe. Les deux femmes avaient mangé, car on a retrouvé des bols vides sur la table.

            L’assassin s’approchant de la fenêtre, aurait alors tiré un coup de fusil, atteignant peut-être ses deux victimes à la fois. Mme Rossignol dut tomber foudroyée, tandis que Mlle Loiseau, moins grièvement blessée, dut ouvrir la porte et tenter de s’enfuir. Elle se rendit, mais ce ne sont que des suppositions, derrière sa maison, où l’assassin la rejoignit, et là, vers une haie, il dut achever à coup de matraque sa deuxième victime. Un e mare de sang, un béret ensanglanté, sont les vestiges de ce deuxième drame. On relève de nombreuses traces de sang et on croit que le meurtrier voulut faire brûler le cadavre sur place ; on retrouve un foyer, avec du foin, mais le monstre, se chargeant du cadavre, vint le remettre dans la cuisine.

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/103– Journal du 19/03/1932

 

Suite de l'article

Partager cet article
Repost0
14 juillet 2011 4 14 /07 /juillet /2011 08:26

Aux Assises du Puy-de-Dôme


Victor-Voujon.jpgC’est le lamentable épilogue d’une belle histoire d’amour dont les jurés du Puy-de-Dôme auront à connaitre au cours des deux premières audiences de cette session.

Victor Voujon qui, le 18 décembre dernier, à la gare de Gouttières, tenta de tuer sa maitresse, Léa Tardivat, est avant tout un malheureux.

Né en 1905 à Paris, de père inconnu, sa mère l’abandonna à l’Assistance publique et ne chercha jamais à avoir de ses nouvelles. Placé en nourrice chez les époux Barse, à Sainte-Christine, il fut élevé par ses parents nourriciers jusqu’à son départ au régiment, en 1926, et leur donna entière satisfaction.

Dans une ferme voisine grandissait une fillette, Léa Tardivat, dont s’éprit Voujon. Malgré la grande différence d’âge – au moment du drame, Léa Tardivat avait à peine 16 ans – une idylle s’ébaucha, qu’interrompit le départ de l’accusé au régiment. Affecté au 2e Zouaves, Voujon fit pendant dix-huit mois colonne au Maroc.

Lorsqu’il revint au pays, il n’était plus le même ; le jeune homme gai, travailleur, honnête et obéissant avait fait place à un homme taciturne, violent, autoritaire et un peu sournois, disent certains témoignages.

L’idylle interrompue reprit et, après bien des hésitations, Léa Tardivat devint enfin la maîtresse de Voujon. Il semble bien que cette idylle est été passionnée. Mais, peu à peu, le caractère de l’accusé déçut la jeune fille. Les scènes successives et injustifiées, les menaces fréquentes la détachèrent de celui qu’elle avait aimé.

Un jour, ce fut la rupture. Voujon restait toujours très épris et très jaloux. Léa Tardivat quitta à ce moment la ferme paternelle et alla se placer à la gare de Gouttières comme bonne, à l’hôtel du Commerce.

Dans le même temps Voujon s’embauchait aux mines de la Bouble ; mais le dur métier de mineur le rebuta et il revint chez ses parents nourriciers. Cela se passait au début de décembre dernier. Voujon essaya de renouer avec Léa Tardivat, mais celle-ci ne voulut pas se laisser convaincre. A différentes reprises, Voujon alla la voir, la suppliant, mais en vain. Léa restait inflexible.

Le 17 décembre, après un nouveau refus de Léa, Voujon la quitta en lui disant : « Tu auras de mes nouvelles ! ».

Il devait tenir sa promesse. Le lendemain, le 18, à l’aube, il allait rôder autour de l’hôtel où était employée Léa. Il s’était muni d’une canne-fusil empruntée à un camarade. Il guetta son ancienne amie et, alors que celle-ci était seule dans la cuisine, il tira sur elle plusieurs coups de feu – deux, affirme-t-il, trois prétend la victime. Léa Tardivat fut gravement blessée à la tête et dut être transportée à l’Hôtel-Dieu de Clermont, où elle resta de longs jours entre la vie et la mort.

Son acte accompli, le meurtrier prit la fuite et, toute la journée du 18 et la nuit du 18 au 19, il erra à travers la campagne. Il fut arrêté le 19 au matin, à la gare des Ancizes, par un gendarme de la brigade de Manzat, sur l’indication d’un employé de la Compagnie P. O., qui l’avait reconnu à son signalement.

Au cours de l’interrogatoire très minutieux, ne laissant aucun détail dans l’ombre, que lui fait subir le conseiller Amiot, qui préside avec beaucoup d’autorité cette session, Voujon reconnait tous les faits qui lui sont reprochés. Il déclare avoir agi sous l’empire de la jalousie et regretter son acte.

Pour permettre la lecture de certaines lettres d’amour adressées par l’accusé à celle qu’il aimait, le président ordonne le huit clos. Pauvres lettres, en vérité, dont quelques-unes sont ordurières et d’autres, au contraire, copiées sur un Secrétaire du parfait amoureux. Un reproche revient comme un leitmotiv : Léa aime trop la danse.

« Tu aimes trop la danse pour être une bonne femme. Je suis jaloux de ceux qui dansent avec toi ».

L’interrogatoire terminé, on aborde l’audition des témoins et on entend successivement le chef de brigade de Saint-Gervais, qui fit les premières constatations et dirigea les premières recherches, et le docteur Moureyre, médecin légiste, qui indique aux jurés les conséquences des blessures reçues par Léa Tardivat. Cette jeune fille conserve une incapacité permanente de 60%.

Léa Tardivat, la victime, vient à son tour à la barre. Elle retrace les scènes de jalousie continuelles que lui faisait Voujon.

Il était jaloux, dit-elle, violent, méchant.

A une question que lui pose la défense : « Croyez-vous que Voujon vous ai vraiment aimé ? » Léa répond qu’elle ne sait pas, qu’elle ne l’a jamais su.

Au cours de cette confrontation, ni l’accusé, ni la victime ne manifestent d’émotion.

La sœur de Léa Tardivat, Mlle Alice Tardivat, a entendu Voujon déclarer qu’il voulait bien faire de sa sœur sa maîtresse, mais qu’il n’en ferait jamais sa femme légitime. Elle rapporta ces mots à sa sœur.

M. Tardivat père vient déclarer qu’il connaissait bien les relations de sa fille et de Voujon. Il proposa même à l’accusé d’épouser sa fille, mais que sa proposition n’eut pas de suite.

Je lui aurai donné ma fille, bien qu’il n’eut rien. Il est travailleur et ça suffit pour faire la richesse d’un ménage.

M. Barat a prêté 500 francs à Voujon pour lui aider à payer un costume. Il lui a également prêté la canne à fusil « pour tirer les merles ! »

J’avais confiance dans Voujon, que je considérais comme un honnête homme.

M. Barat dit combien il regrette d’avoir eu confiance en Voujon en lui prêtant l’arme avec laquelle il commit son acte.

J’avais tellement confiance en lui, que si j’avais eu besoin de quelqu’un pour garder ma maison en mon absence, c’est lui que j’aurais choisi.

M. Barse, 18 ans, cultivateur à Sainte-Christine,  est le fils du père nourricier de Voujon. Il a été élevé avec l’accusé, dont il ne peut dire que du bien.

M. Félix Durin, chef de gare à Gouttières, a vu, quelques jours avant le crime, Voujon consommant au débit Ramy et porteur de la canne-fusil chargée et débouchée. Il fit même, à ce sujet, une observation à Voujon, qui déchargea l’arme et reboucha la canon.

M. Michel Ramy, restaurateur à la gare de Gouttières, raconte la scène du drame. Il déclare que Léa Tardivat était travailleuse, sérieuse.

Mme Yvonne Ramy, femme du précédent témoin, a entendu très distinctement trois coups de feu. Elle a relevé sa domestique, qui baignait dans son sang. Depuis quelque temps, elle avait remarqué que Léa Tardivat pleurait très souvent. Elle ignorait que Léa avait des relations avec Voujon.

Léa, dit-elle, était une bonne petite fille, sérieuse et travailleuse.

M. Semonssus, cultivateur au Vernet, a eu à son service Voujon. Il ne peut donner sur l’accusé que de très bons renseignements.

M. Eugène Perol, maire de Sainte-Christine, vient confirmer les bons renseignements fournis sur l’accusé. C’était un excellent travailleur, dont les patrons n’avaient qu’à se louer.

M. Etienne Aubignat, cultivateur au Cendre, est un copain, ainsi qu’il le dit lui-même de Voujon, et il n’a jamais eu que de bons rapports avec lui.

D’excellents renseignements sont également fournis par MM. Annet Barbet, Paulin Perol et Perol, marchands de bois à Sainte-Christine.

Sur cette impression favorable à l’accusé, on lève l’audience.

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/98 – Journal du 09/07/1929.

 

Partager cet article
Repost0
21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 23:27

Voujon a été arrêté à la gare des Ancizes

Il prétend que Léa Tardivat avait menacé de le tuer et qu’il a voulu lui faire peur.

 

C’est avec un véritable soulagement que l’on a appris, hier matin, l’arrestation de Victor Voujon, l’auteur du drame de Gouttières.

C’est qu’en effet, après toute une série de crimes, de drames, de vols, nos populations rurales ne sont plus tranquilles, surtout dans cette région où trois drames viennent de se dérouler en peu de temps : crime du Bouchet, crime de Roche-d’Agoux, crime de Gouttières.

Et puis Voujon était encore armé, il lui restait deux cartouches et peut-on savoir ce qui aurait pu arriver.

 

L’arrestation

Dans le train qui se dirige, le matin, sur Clermont, un voyageur monta en gare des Fades.

Il était seul dans son compartiment, mais sa présence n’avait pas passée inaperçue. M. Ramy se trouvait dans un compartiment à côté, un employé de la gare de Saint-Gervais s’y trouvait également.

A l’arrivée du train en gare des Ancizes, on prévint le gendarme de service, M. Vignaud. Celui-ci alla vers le wagon qu’on lui avait indiqué et appréhenda l’homme. Voujon ne fit aucune résistance.

Il fut conduit à la brigade de Manzat et, de là, transféré à Riom.

 

Il ne voulait pas tuer.

Voujon a indiqué l’endroit où se trouvait la canne-fusil, arme du crime. Elle était dans un champ, à 100 mètres de la gare de Saint-Gervais.

La gendarmerie de Saint-Gervais l’a en effet trouvée. C’est une arme de précision, toute moderne.

Au cours de son interrogatoire, Voujon a déclaré qu’il ne voulait pas tuer sa maîtresse, mais lui faire peur…

Son acte commis, il a erré dans la campagne, puis a passé la nuit dans une grange à Ayat. A 5 heures du matin il a tiré un coup de sa canne-fusil et a jeté l’autre cartouche.

Après cela, il revint vers les Saudes, lieu-témoin, peut-être, de ses premiers amours.

De là il se rendit aux Fades, et prit son billet pour Volvic.

On sait le reste.

Il y a lieu, avant de terminer, de féliciter le chef de la brigade de Saint-Gervais et tous ses collègues qui ont battu tous les champs, qui se sont dépensés jour et nuit pour retrouver la trace du criminel, ainsi que les brigades des alentours : celles de Saint-Eloy, de Manzat, en particulier.

Voujon a été, comme nous l’avons dit plus haut, transféré dans la maison d’arrêt de Riom, où il a dû arriver vers 15 heures.

 

Le meurtrier à Riom

Dès son arrivée Victor Voujon a été présenté à M. Rolland, juge d’instruction. Voujon a renouvelé ses aveux. Mais prétend qu’il a tiré sur la jeune fille pour lui faire peur… car elle avait menacé de le tuer par ce qu’il avait manifesté l’intention de l’abandonner.

Il a ainsi narré la scène du drame :

Sachant que la jeune fille se levait une demi-heure avant ses patrons, mardi matin, il s’est posté sous le hangar, et a tiré sur elle au moment où elle a ouvert la porte. La blessée est rentrée précipitamment en criant et en fermant la porte. Il a tiré alors un second coup qui a fait voler le carreau de la porte sans atteindre la victime. Il nie avoir tiré un troisième coup de feu.

Il s’est enfui par les champs, a écrit le billet découvert dans la poche de son pantalon.

En somme, il n’a dit rien que l’on sache déjà, sauf quelques détails de la scène du drame. Quant à sa version de l’origine de celui-ci, elle semble bien invraisemblable.

Et l’interrogatoire terminé, Voujon a été écroué.

 

L’état de la blessée reste stationnaire

Léa Tardivat est toujours dans un état très grave. Il semble bien qu’on doive désespérer de la sauver.

M. Sanciaux, chef de la Sûreté, qui avait été chargé de l’entendre, n’a pu exécuter la commission rogatoire qui lui avait été envoyée.

 

Archives Départementales – Le Moniteur du Puy-de-Dôme – 5 BIB 3/96 – Journal du 20/12/1928.

 

 Suite et fin de l'article

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de jacot63
  • : Communiquer, s'informer, animer et rechercher sur la commune de Saint-Priest-des-Champs.
  • Contact

  • jacot63

Annonce :

ENVOYEZ NOUS VOS PHOTOS POUR LA COMMÉMORATION DE 14-18

Recherche

Post-it

16/06/2012 : Mise à jour des conscrits de 1903.

 

Articles Récents

  • Elèves école en 1911-1912
    École primaire publique de Saint-Priest-des-Champs, 1911-1912, instituteur M. BERTHIN Peut-on faire le rapprochement de cette photo et la liste des élèves ? Photos de classe supposée être de 1912 Date d’entrée Nom et prénom élève Date de naissance 2 octobre...
  • Mariages (Partie 1)
    Nouvelle rubrique pour mieux connaitre ceux qui sont sur les photos. Après le travail organisé par Michelle LASCIOUVE sur les photos d'écoles et les photos des conscrits, il serait souhaitable, pour la sauvegarde du patrimoine photographique, d'essayer...
  • Enfants assistés ou pupilles de la nation (1)
    Parmi les nombreux enfants ayant séjourné sur la commune, quelques-uns dont on trouve les traces sur Généanet. A suivre SOURZAC Louis, est né le 2 février 1902 à Clermont-Ferrand, fils naturel de Marie Louise SOURZAC ; il est décédé le 19 mars 1975 à...
  • Photos école du Bladeix (2)
    Collection de Michelle LASCIOUVE Le Bladeix 1950-1951 Le Bladeix 1957-1958 Le Bladeix 1960-1961
  • Terrier de La Roche en 1683 (Partie 3)
    Le Ténement d’Ardalhon En leurs personne Jean CANAU fils à Marien CANAUT, Pierre MARCHE, Marciien BOUDOL, Bonnet DENIS, Michel MARCHEIX tant en son nom qu’en qualité de tuteur des enfants de feu Guillaume MARCHEIX son frère, tous laboureurs habtitants...
  • Photos école du Bladeix
    Collection de Michelle LASCIOUVE Le Bladeix 1936 Le Bladeix 1937-1938 Le Bladeix 1944
  • Ecole de Lamazière vers 1914
    Les reconnaissez-vous ? Avec l'agrandissement des vignettes, peut-être qu'il sera plus facile à certains d'entre vous de reconnaitre une personne de votre famille. Ces enfants sont nés entre 1900 et 1909 sur cette commune, d'autres sont des enfants assistés...
  • La Congrégation des Petites Sœurs Infirmières de Loubeyrat
    Mise à jour en Or Marguerite GARDARIN dite Mère Saint-Jean-Baptiste, mère fondatrice de la congrégation, est née à Loubeyrat, le 30 juin 1831. C’est avec Annette PELISSIER, née le 19 octobre 1820 à Loubeyrat, avec le soutien de l’abbé GOUILLOUX, qu’elles...
  • Photos école de Lamazière
    Collection de Michelle LASCIOUVE École de Lamazière 1937 École de Lamazière 1938 École de Lamazière 1949-1950
  • Voeux 2024

Compteur de visites

Logiciel genealogie Geneatique ">