Un crime, accompagné de circonstances extrêmement graves vient de faire naître une vive émotion dans le canton de Saint-Gervais.
A quelques kilomètres de Biollet, se trouve un petit hameau appelé les Cheix, bâti sur les ruines d’un vieux manoir qui a joué un grand rôle dans les guerres féodales ; il appartenait à la famille de Vallon d’Ambtugeas. Il n’en reste aujourd’hui que quatre tours à demi rasées et le mur d’enceinte, qu’on a utilisé pour bâtir quelques maisons. Ce mur longe sur une assez longue étendue, un vaste étang, au bord duquel se trouve une maison bourgeoise d’assez coquette apparence.
C’est là qu’habitaient les deux frères Géraud-Dumontel, dont le cadet, placé aujourd’hui entre les mains de la justice, est âgé de soixante-quatorze ans.
Grâce à leur intelligence, à leur esprit d’ordre, ces deux frères, après avoir beaucoup voyagé, finirent par réaliser une fortune relativement considérable.
Il y a environ une trentaine d’années, François Géraud-Dumontel, l’aîné des deux frères, recueillit chez lui un jeune enfant, François Madebène, fils d’un de ses fermiers. Il en était, du reste, le véritable père, disait la chronique, et de fait, la ressemblance était frappante.
En 1872, le frère aîné mourut. Par testament, il avait institué son frère Antoine et François Madebène usufruitiers de ses biens immobiliers et leur avait laissé en outre la propriété de sa fortune mobilière.
Ce testament fut la source de discussions violentes entre les deux parties intéressées.
Dan la journée du 13 mars courant, M. Bertin, adjoint de la commune de Biollet, fut mandé au hameau des Cheix : C’était Géraud-Dumontel qui requérait son assistance. « La veille, disait-il, il n’avait pu rentrer chez lui ; toutes les portes étaient fermées et personne ne répondait à son appel ; il supposait que François Madebène avait succombé à une congestion cérébrale ou s’était fait sauter la cervelle. » Toute la famille était sur les lieux ; l’adjoint fit enfoncer les portes qui étaient fermées en dedans, et on se trouva tout à coup en présence d’un horrible spectacle.
Sur le sol de la cuisine, près de l’âtre, un cadavre était étendu. Entre ses jambes se trouvait un pistolet déchargé. Ce cadavre était celui de François Madebène.
Il portait à la tête une blessure produite par une arme à feu. Le projectile était entré sous l’oreille gauche pour sortir au milieu du front ; sur le sol, de larges flaques de sang et des lambeaux de cervelle qui avaient jailli en sortant de la hernie produite par le coup de feu.
Personne n’avait vu Madebène depuis la veille à sept heures du soir. Géraud-Dumontel raconta qu’il l’avait laissé à cette heure occupée à peler des pommes de terre dans un plat. On cherche aussitôt ce plat, et Dumontel lui-même alla le prendre dans le buffet et le présenta à l’adjoint. Celui-ci constata sur les pommes de terre une large traînée de sang et des débris de cervelle. Dumontel, dont la vue est très faible, ne les distinguait même pas.
Géraud-Dumontel fut atterré de cette découverte, et il parait même que, dans la nuit, il fit des tentatives auprès des hommes de garde pour obtenir la remise de cette pièce de conviction accablante et la faire disparaitre.
Géraud-Dumontel a été conduit hier à la maison d’arrêt de Riom.
C’est un petit homme sec, nerveux, étonnamment conservé pour son âge. Il est instruit. Il écrit et il parle avec une très grande facilité.
Le Journal de Riom dit que, pressé par les constatations et par la multiplicité des charges relevées par l’instruction, Géraud-Dumontel a fini par faire des aveux et par reconnaître qu’il avait lui-même tiré le coup de pistolet qui a occasionné la mort de Madebène. Mais il a ajouté qu’il avait été poussé à cet acte criminel à la suite d’une scène violente dans laquelle Madebène lui aurait craché à la figure, affront qu’il n’avait pu supporter.
Journal l’Union Nationale du 26 mars 1873
Pour ceux qui veulent en savoir plus, l'affaire Géraud-Dumontel à la Cour d'assises du Puy-de-Dôme
Gervais GÉRAUD-DUMONTEL, né le 11 janvier 1770 à Saint-Gervais est le fils de Jean Antoine GÉRAUD-DUMONTEL, Sieur du Montel et de la Barge, Greffier en chef au dépôt de sel de Saint-Gervais, Procureur d’office et de Jeanne GEORGE de DURMIGNAT. Gervais, qui occupe la fonction de Chef de bureau des impôts à Montaigut, épouse, le 4 mars 1793 à Marcillat-en-Combraille, Eléonore REDON, née le 26 septembre 1760 à Saint-Médard-la-Rochette (Creuse).
Dès leur mariage ils s’installent comme propriétaire au hameau du Cheix commune de Biollet. De cette union sont nés quatre enfants :
- Jeanne, est née le 27 septembre 1794 au Cheix et elle est décédée le 30 juillet 1863 à Montmarault. Elle avait épousé, le 26 mai 1818 à Biollet, Gilbert Rémy DESCHARRIERES ;
- Marie Anne dite Constance, est née le 8 août 1796 au Cheix et elle est décédée le 30 septembre 1874 au bourg de Biollet ; veuve de Jean GOURSON, qu’elle avait épousé le 10 juin 1822 à Biollet ;
- François, est né le 27 décembre 1797 au Cheix et y est décédé le 6 avril 1872. Il a été adjoint au maire de Biollet de 1858 à 1865, puis maire de cette même commune de 1866 à 1870.
- Antoine, est né le 25 juin 1799 au Cheix et il est décédé le 21 juin 1873 à Riom.
François MADEBÈNE, est né le 31 juillet 1835 au Cheix, il est le fils d’Amable MADEBÈNE et de Françoise MADEBÈNE, propriétaires-cultivateurs au village des Cheix