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3 décembre 2021 5 03 /12 /décembre /2021 17:50
La tragédie de Roche-d'Agoux - Le jugement

Jules Beauvilliers assassin de son grand-père, de sa tante et de sa cousine est condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Riom, le 3 mai – Il faut remonter bien loin dans les annales judiciaires du Puy-de-Dôme pour trouver un crime aussi odieux, accompli avec une telle sauvagerie que celui dont Jules Beauvilliers a à répondre devant le jury de Riom.

De petite taille, mince et fluet, l’accusé lorsqu’il pénètre, encadré des gendarmes dans le box des accusés est pris d’une crise de larmes, mais son émotion ne dure pas, car c’est d’une voix calme et posée qu’il répond à l’interrogatoire du président Proust.

Jules Beauvilliers n’est pas prodigue de détails. Il reconnait par monosyllabes tous les faits que lui fait préciser le président.

A voir cet homme d’apparence timide et effacée, on ne se douterait jamais qu’on se trouve en présence d’un criminel aussi odieux.

 

L’interrogatoire

            L’interrogatoire du président Proust fait revivre toutes les circonstances du crime de Beauvilliers.

            Le 12 octobre 1928, Jules Beauvilliers qui était charron à Nouzonville (Ardennes), arrivait au hameau de Laugerolles, près du village de Roche-d’Agoux où habitaient les parents de sa femme, le grand-père Jules Beaugeard, 76 ans ; la tante, Antonine Beaugeard et une cousine Lucienne Beaugeard, âgée de 21 ans.

            A ses parents qui furent heureux de l’accueillir, Beauvilliers raconte qu’ayant quitté les Ardennes, il venait se fixer définitivement à Montluçon, pour se rapprocher d’eux. Il resta dans sa famille jusqu’au 15. Vers le soir, Beauvilliers que son grand-père accompagna pendant quelques kilomètres reprit le chemin de Saint-Maurice-de-Pionsat d’où l’autobus devait le conduire à la gare de Gouttières.

            Mais, Beauvilliers, lorsque son grand-père l’eut quitté, fit demi-tour et reprit le chemin de Laugerolles. En route il se coucha sous une meule et attendit que la nuit soit tombée.

            A 23 heures, il arrive à la ferme de ses parents et frappe à la porte.

 

La scène du crime

            Sa tante vient lui ouvrir en chemise. Beauvilliers entre. La bonne vieille lui fait chauffer une tasse de café. Que se passe-t-il alors ? Profitant d’un moment où sa tante a le dos tourné, Beauvilliers lui tire une balle à bout portant, puis il dirige vers le lit où est couchée sa cousine Lucienne qui terrifiée, a assisté à cette scène et il tire sur elle une seconde fois.

            La tante râle sur le sol. Beauvilliers veut l’achever d’une balle ; son revolver s’enraye, il s’arme alors d’un couteau et achève la malheureuse. Le grand-père éveillé par le bruit ouvre la porte de sa chambre ; Beauvilliers, d’un coup de couteau lui ouvre la gorge.

            Et soudain, le meurtrier semble pris d’une sorte de folie sanguinaire. Saisissant une fourche, il s’acharne sur le cadavre de ses victimes ; leur écrase le visage à coups de talon.

            Puis Beauvilliers fouille les meubles ; il ne trouve qu’une montre en argent et une petite somme d’argent dans la malle de sa cousine. Une somme de 26.000 francs ; le magot qu’il savait exister et dont il espérait s’emparer ; échappe à ses recherches.

            A l’aube, il quitte la ferme. Le sang ruisselle sur le plancher ; les souliers du meurtrier en sont maculés à un tel point qu’on peut suivre sa trace pendant quelque temps.

            En passant devant le monument aux morts de Saint-Maurice-de-Pionsat, il se débarrasse de son revolver. Il prend le train à la gare de Gouttières pour Paris où il fut arrêté le soir même de son arrivée, dans un hôtel.

            Aux inspecteurs qui l’arrêtaient, Jules Beauvilliers déclara qu’il avait agi à l’instigation de son beau-frère Quintin, qui lui aurait fait boire un breuvage qui l’aurait rendu momentanément fou.

            Quintin fut arrêté le jour des obsèques des victimes de Beauvilliers. Il put prouver son innocence et fut relâché un mois plus tard.

            Beauvilliers prétend à l’audience ne plus savoir pourquoi il a agi ainsi.

            J’étais fou, déclare-t-il, je ne sais plus.

            Il renouvelle contre Quintin ses accusations et discute longuement sur le revolver.

            C’est, affirme-t-il, mon beau-frère Quintin qui ma l’a donné pour tuer les vieux.

            L’interrogatoire est terminé. Jules Beauvilliers exprime des regrets de son acte et l’on introduit le premier témoin.

 

Les Témoins 

            Le chef de brigade Arnaud, et le gendarme Corliers qui firent les premières constatations précisent comment ils découvrirent les cadavres. Le parquet était une véritable mare sanglante.

            Ils purent suivre à la trace le trajet parcouru par le criminel, car, chacun de ses pas était marqué par une tache sanglante. L’assassin avait dû se laver les mains, car on retrouva une cuvette pleine d’eau rougie de sang.

            Tout d’abord on crut, disent les témoins, la rumeur publique qui soupçonna Quintin.

            M. Bayard, commissaire de police à Paris qui interrogea Beauvilliers quelques heures après son arrestation fut frappé de l’impassibilité de l’assassin qui racontait son horrible forfait sans émotion apparente, déclarant avoir agi dans un moment de folie. Il fut le témoin qui apprit à la femme de Beauvilliers le crime de son mari. Celle-ci, sans hésitation, lui dit :

            « Il n’est pas possible que mon mari ait agi seul. Il a certainement, lui qui est faible, obéi à mon frère Quintin qui m’a voué une haine mortelle ains qu’à ma famille. »

            Après les témoignages de l’inspecteur principal de la brigade mobile de Clermont-Ferrand, M. Duclos, et d’une petite cousine des victimes, Mme Alice Contamine, l’audience est suspendue à 11h. 45.

 

Audience de l’après-midi

            Les premiers témoins entendus à la reprise n’apportent pas de grandes précisions sur l’affaire elle-même.

            Mme Léonie Ducourtial, une des sœurs de la victime vient déposer avec véhémence contre l’accusé qui est son petit-neveu.

            Vous n’aurez pas de pitié pour lui, messieurs les jurés, il n’a pas eu pitié des siens.

            M. Antoine Contamine qui a découvert le crime donne des précisions sur cette découverte.

            La mère et la grand-mère de deux victimes, Mlle Angèle Beaugeard, M. François Roche ; Mlle Marie Louise Pateau ; M. Marcel Rochefort ; M. René De Rechapt ; M. René Pacquot, viennent successivement déposer sur certains points de détail.

 

La femme de l’assassin dépose

            La déposition de la femme de l’assassin, toute frêle elle aussi, vêtue de noir, l’air d’une fillette souffreteuse, est particulièrement émouvante. La malheureuse femme s’avance d’un pas mal assuré jusqu’à la barre. D’un geste machinal elle porte à ses narines un mouchoir imbibé d’éther. A plusieurs reprises dans les couloirs, Mme Beauvilliers s’est trouvée mal.

            Elle raconte tout d’abord son enfance en pays envahi. Cette déposition n’est qu’un long récit douloureux.

            Mon frère Gaston Quintin, déclare-t-elle, profitant de l’absence de mon père qui était soldat, nous fit, à ma sœur et à moi une existence affreuse. Il nous martyrisait, nous frappait, nous privait de nourriture. Ma sœur qui était tuberculeuse, toussait souvent la nuit. Il m’obligeait à me lever et à la frapper avec de grosses cordes. Et comme je frappais à côté, il me frappait à mon tour. Un jour, il nous obligea à lui embrasser les pieds.

            De longs sanglots coupent sa déposition.

            Mon mari, messieurs les jurés, était un honnête garçon, qui s’ingéniait à me rendre heureuse, ma petite fille et moi. Je vous jure sur la tête de mon enfant qu’il n’a pas agi de sa propre inspiration. Il a fallu qu’il soit poussé par une volonté plus forte que la sienne.

 

La confrontation de Beauvilliers et Quintin

            Lorsqu’avec beaucoup de peine, Mme Beauvilliers a regagné l’enceinte des témoins, l’huissier introduit Gustave Quintin, qui faillit sur les dénonciations de son beau-frère, comparaitre devant le jury en accusé et non en témoin. Très heureusement Gaston Quintin put prouver sa complète innocence de ce crime, aucune charge n’ayant pu être établie contre lui.

            Le témoin a gardé, on le comprend volontiers, de la rancœur pour son arrestation le jour de l’enterrement de ses parents et pour la détention qui se prolongea un mois.

            Il dépose avec violence et se tournant vers son beau-frère, l’interpelle sans aménité.

            Il s’indigne des accusations portées contre lui.

            Tu es un menteur, dit-il, un sale menteur ; je ne t’ai jamais incité à tuer le grand-père, je ne t’ai jamais donné de revolver, ni je ne t’ai jamais fait boire pour t’exciter. Menteur ! Sale menteur ! Criminel.

            Mais Beauvilliers qui depuis le début de l’audience n’a cessé de ternir sa tête entre ses mains, se réveil sous les apostrophes de son beau-frère.

            C’est toi qui es un menteur. Tu ne m’as pas écrit une lettre pour m’ordonner de tuer le grand-père ? Tu ne m’as pas fait boire une liqueur un jour chez nous, au café de l’Horloge ? Tu ne m’as jamais donné de révolver ? C’est lui qui ment…

            Quintin répond et prend le procureur général à témoin de son innocence.

            Me Raymond Hubert, qui, assisté de Me Delestrade, assure la défense de l’accusé, pose des questions nombreuses aux témoins.

            Enfin, cette pénible confrontation prend fin.

            Le docteur Edmond Grasset, le très distingué médecin-légiste de Riom, vient déposer sur les résultats de l’autopsie pratiquée par lui sur les trois cadavres. Il confirme que les cadavres portaient des blessures profondes et affreuses.

Le docteur Raynaud, médecin-légiste, a examiné Beauvilliers au point de vue mental. Il a pu ainsi acquérir la certitude que l’accusé est pleinement et entièrement responsable.

 

Le réquisitoire

            Et puis c’est l’heure où le prétoire devient le champ clos des luttes oratoires.

            L’avocat général, Cavarroc se lève pour son réquisitoire. Avec la belle éloquence que l’on connait, le très distingué magistrat demande contre Beauvilliers la peine suprême, la peine capitale. Il demande aux jurés de ne pas se laisser guider par d’autres considérations que la justice et de rendre un verdict implacable.

            La tâche de la défense est très lourde.

            Me René Delestrade, le jeune avocat du barreau de Riom, qui a suivi les débats avec une attention extrême et qui a prouvé par ses interventions qu’il connaissait fort bien son dossier, déclare que pour assurer l’unité de la défense, il cède son tour de parole à son éminent confrère, Raymond-Hubert. Il se borne à insister sur le fait qu’il est impossible que Beauvilliers ait agi de sa propre inspiration.

            Me Raymond-Hubert prononce pour Beauvilliers une plaidoirie émouvante et utile. Après Me Delestrade, il réunit tous les arguments qui rendent étrange cette affaire. Il demande aux jurés de ne pas condamner à mort Beauvilliers.

            Le jury se retire pour délibérer. Il a à répondre à 27 questions.

            Après une demi-heure de délibérations, il rapporte un verdict affirmatif sur toutes les questions, mais accordant à l’accusé Jules Beauvilliers le bénéfice des circonstances atténuantes.

            La cour condamne Jules Beauvilliers aux travaux forcés à perpétuité.

            La foule qui s’écrase dans la salle accueille l’arrêt sans manifestation.

            On entend alors un grand cri ; c’est la malheureuse femme du condamné qui s’évanouit.

            La session est close.

           

Le Moniteur du Puy-de-Dôme, édition du 04/05/1929

 

Notes :

Détenu en Guyane au camp de Saint-Laurent-du-Maroni, il s’évade avec plusieurs autres forçats, en mars 1932.

Il a été repris. En 1944 et 1946 il a été classé « bon ouvrier » en menuiserie.

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