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16 juillet 2015 4 16 /07 /juillet /2015 17:35

L’Avenir du Puy-de-Dôme 1910

 

5 janvier – Espinasse - Le danger des armes à feu – Le fils Carton, du village de Lafayette, manipulait un revolver qu’il ne croyait pas chargé. Soudain le coup partit et la balle lui perfora la main gauche. Un médecin de Saint-Gervais donna des soins au blessé, mais ne put extraire la balle. Carton a dû se rendre à l’Hôtel-Dieu de Clermont. Il est élève à l’école professionnelle de Clermont et se trouvait chez lui en vacances.

 

22 janvier – Saint-Gervais - Crime, accident ou suicide ? – Dimanche dernier, au petit jour, des voisins trouvaient étendu, sans mouvement, devant sa porte, M. Gilbert Sabouret, âgé de 46 ans,, maître d’hôtel à Saint-Gervais.

Les soins les plus empressés ne parvinrent pas à ranimer le malheureux et un docteur, appelé, ne put que constater le décès. La mort remontait à deux ou trois heures.

On supposa tout d’abord que M. Sabouret, qui portait une petite plaie à la tête, avait été victime d’un accident. Pour les uns, le malheureux était tombé, la nuit, par la croisée de sa chambre, en voulant satisfaire un besoin naturel ; pour d’autres, pris d’une crise de delirium tremens, il se serait jeté volontairement dans la rue, par la fenêtre.

Mais, certaines circonstances, connues depuis, ont permis de faire d’autres suppositions. D’aucuns pensent que la mort du maître d’hôtel serait le résultat d’un crime.

Nous croyons savoir que le Parquet a été saisi et qu’une instruction est ouverte. Peut-être serons-nous fixés prochainement sur les causes de cette mort mystérieuse qui passionne l’opinion publique à Saint-Gervais et dans toute la région.

 

23 janvier – Saint-Gervais - Tribunal de Riom – Entre cousins – B. Marius, né le 2 juillet 1885, au Mas, commune de Saint-Gervais, et son frère B. Gervais, 21 ans, tous deux cultivateurs, sont poursuivis pour coups et blessures, à l’encontre de leur cousin, Sauret Gervais, 39 ans, propriétaire au même lieu. Sauret raconte ainsi l’affaire :

« Le 23 décembre, vers 10 heures du matin, j’étais sur un chemin où je ramassais de la boue, quand tout à coup je vis Marius, armé d’une fourche américaine foncer sur moi et m’en porter un violent coup au-dessus de l’œil gauche, qui m’a fait une blessure très grave, puis lâchant sa fourche, et avant que j’aie pu me mettre en garde, il m’a saisi à la gorge, et m’a renversé par terre en me frappant à coups de pieds.

« Je me suis mis à crier au secours. Mais aussitôt le jeune B., qui était là est venu au secours de son frère, et m’a mis la main sur la bouche pour m’empêcher de crier. Ils me frappaient tous deux et si mon fils n’était arrivé à temps, j’aurais passé un mauvais quart d’heure ».

B. Marius le principal accusé proteste énergiquement en ce qui concerne le coup de fourche ; il reconnait avoir porté à son cousin Sauret un coup de poing après avoir été menacé lui-même.

Quant à la blessure que Sauret porte au front, B. prétend qu’i se l’est faite lui-même.

Me Massé défend les accusés.

Le tribunal relaxe B. Gervais sans dépens, et condamne Marius à 16 francs d’amende, avec sursis.

 

23 janvier – Le mystère de Saint-Gervais – Crime, suicide, ou accident ?... Les avis sont partagés ; les « racontars » vont bon train et la justice n’a pas bougé.

Dimanche matin, vers huit heures, le bruit se répandait à Saint-Gervais, que M. Gilbert Sabouret-Michon, l’hôtelier de la gare, venait d’être trouvé mort devant sa porte.

La nouvelle, rapide comme une trainée de poudre, fit le tour de la petite ville. Et, à la sortie de la messe, sur la place, ce fut l’objet de toutes les conversations.

  • « C’est sa fille et sa femme qui l’ont trouvé, en ouvrant la porte, raide mort sous la croisée de sa chambre, contaient les gens bien informés. Il parait qu’il avait ouvert la fenêtre pour « tomber eau ». Il avait bu un coup la veille, il avait la tête encore lourde, ça l’a entrainé. »

Et tout le monde de conclure : « C’est bien malheureux ! Ce pauvre Gilbert !... Il buvait bien un peu, ça devait lui jouer un mauvais tour, c’est certain, mais ce  n’était pas un mauvais homme ; il y aura du monde, pour sû, à son enterrement… »

Dans la soirée, au café, quelqu’un insinua que les choses ne s’étaient peut-être pas passées comme ça : « Entre nous, on peut bien le dire, ce pauvre Sabouret ne jouissait plus de toute sa raison, il était détraqué par la boisson, il avait des attaques de délirium tremens ; quand ça le prenait, c’était terrible ; il voulait tout casser et menaçait de « se détruire » ; hier soir, ça la pris plus fort que d’habitude, il voulait absolument « en finir », même que sa femme et ses enfants ont pris peur et qu’on l’a veillé jusqu’à deux heures du matin. Il s’est couché à cette heure-là, mais ça l’aura repris et il se sera jeté par la fenêtre. Pour moi, Sabouret s’est suicidé, ça ne fait pas de doute.

  • « Je n’osais pas le dire, mais j’y pensais.
  • « Et moi aussi ! »

Et pour tout Saint-Gervais, bientôt, Gilbert Sabouret, s’était suicidé.

      Mais la nuit, une « autre idée » fit aussi son tour de ville, timidement, colportée avec mystère de porte en porte :

  • « Vous savez ce qu’on dit ?
  • « Quoi donc ?
  • « Ce pauvre Gilbert ! – mais au moins ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai dit… - et bien, il n’est pas « tombé », il ne il ne s’est pas « détruit » non plus, il « parait qu’on l’a tué ! »

Et cette nouvelle version, vite acceptée, eut bientôt de nombreux partisans. A la veillée, entre voisins, on donnait même des détails complets sur le « crime de la gare :

  • « Pour moi, voyez-vous, c’était pas admissible ; si ce pauvre Gilbert était tombé de sa croisée, comme on le racontait, il se serait sûrement cassé quelque chose ; on ne tombe pas d’un second, même sur des fagots, sans que ça marque, et le docteur Meunier a eu beau le palper, le tourner et le retourner, il n’a pas relevé la moindre trace de coups, ni de contusions, pas le moindre « bleu ». Gilbert n’est pas mort là, on l’a trainé après, pour faire croire qu’il était tombé ou qu’il s’était jeté par la croisée ».

Voilà ce que l’on raconte depuis dimanche soir à Saint-Gervais, avec plus ou moins de variantes, selon que le conteur a plus ou moins d’imagination.

Voilà ce qu’on nous a raconté, à nous même, hier soir.

Les trois versions : Accident, suicide et crime, ont là-haut leurs partisans déterminés, et, la discussion aidant, l’émotion soulevée autour de la mort tragique du malheureux hôtelier, n’est pas près de se calmer.

L’histoire et les histoires

Toujours soucieux de tenir les lecteurs de l’Avenir au courant des moindres faits qui se passent dans la région, nous n’avons pas hésité, malgré le mauvais temps, à faire le voyage de Saint-Gervais. Il est vrai, que grâce à l’obligeance inlassable de M. Raymond Bergougnan, il n’est guère de distances pour la « Presse Clermontoise ». Sa robuste 100 HP, toujours prête pour nous, nous met à deux heures à peine des plus lointains cantons du département et les « Gaulois ferrés » ne craignent pas les routes empierrées, ni les dérapages dangereux sur la neige ou le verglas.

Nous pensions faire un peu de lumière sur cette malheureuse affaire de la gare de Saint-Gervais ; mais nous devons dire de suite qu’en l’état actuel des esprits et des choses, il serait téméraire, même après l’enquête minutieuse à laquelle nous nous sommes livrés, de nous prononcer affirmativement, dans un sens ou dans un autre. Nous pouvons constater, mais nous ne pouvons pas conclure. Nous n’en avons d’ailleurs pas le droit. Une enquête a été faite par le gendarmerie ; le Parquet de Riom est saisi. Le dernier mot est à la justice. Il n’apparait pas, il est vrai, qu’elle soit très pressée de se prononcer. Riom est si loin !... Les chemins sont si mauvais !... et dame justice est boiteuse. Tout le monde n’a pas une 100 HP à sa disposition ; on peut lui accorder les circonstances atténuantes.

      Gilbert Sabouret-Michon, nous l’avons dit hier, tenait un hôtel à la gare de Saint-Gervais. Il était venu de Saint-Eloy, voilà 7 ou 8 ans, alors que les travaux de la nouvelle ligne étaient en pleine activité. Intelligent, d'’n abord facile, connaissant bien son métier, il eut vite fait de se recruter une clientèle de choix parmi les ingénieurs, les entrepreneurs et les chefs de chantiers de la voie et du viaduc des Fades. Récemment, il devint adjudicataire du courrier de Saint-Gervais à Espinasse. Ses affaires prospéraient. Sabouret eut pu vivre heureux entre sa femme et ses enfants. Mais il avait un vilain défaut, il buvait. Il en était arrivé à tout sacrifier à sa passion favorite et, en ces derniers temps, pour employer une expression du pays, il ne « désoûlait » plus. Il avait eu déjà, quelques attaques de délirium tremens, et à ces moments-là, il avait, parait-il, la hantise du suicide. Ses amis –d’aucuns disent les méchantes langues- prétendent qu’il avait des raisons pour boire, voir pour se détruire ; sous des dehors calmes, la guerre régnait dans le ménage. Mais ce sont là affaires toutes particulières et qui ne regardent personne.

Un fait seul reste pour nous, c’est que dimanche matin, vers 8 heures, en ouvrant la porte, Mme Sabouret et sa fille aînée trouvèrent le malheureux étendu, sans mouvements, contre un tas de branchages, sous la fenêtre de sa chambre située au deuxième étage. Les pauvres femmes, affolées, appelèrent des voisins à leur secours ; on porta l’hôtelier sur son lit et on prévint les autorités.

D’une première enquête faite par la gendarmerie et le juge de paix, on conclut à un accident.

A deux heures du soir, M. le docteur Meunier, vint examiner le cadavre. Comme il n’était investi d’aucun mandat, il ne pratiqua pas l’autopsie. Il ne releva d’ailleurs sur le corps aucune lésion pouvant justifier l’intervention d’un médecin légiste. Sabouret était tombé sur un tas de branchages déposés dans sa cour au lendemain des fêtes de l’inauguration du viaduc des Fades, ces branchages avaient servi ce jour-là à décorer l’arc de triomphe élevé à l’entrée de la gare. Sa chute en fut amortie et ainsi s’explique l’absence de tout traumatisme. Mais la mort pouvait résulter d’une lésion intérieure et le permis d’inhumer fut délivré. La mort dut être instantanée. Quelques érosions à la face interne et externe des mains permettent, peut-être, de supposer « quelques spasmes, quelques contorsions de délirium tremens », sur le tas de fagots, après la chute.

Voilà le fait brutal. Le reste n’est sans doute au fond que « racontars ».

Et tandis que nous revenions, dans la nuit, blottis au fond de l’auto, tandis que l’ami Janvier se taisait, les mains rivées au volant, les yeux attentifs à suivre les sinuosités de la route perdue dans l’immensité blanche de neige, je songeais que, sans doute, entre les interviews prises dans la soirée, le fin mot avait été dit par un vieux paysan qui prétendait « qu’en été, quand les gens travaillent dur le jour, et se couchent tôt le soir, on n’aurait pas songé à toutes ces histoires ».

Mais un beau crime, ça ferait si bien pour passer les longues veillées d’hiver !

Jules-Henry

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